La tentation d’associer Nicolas Sarkozy à la Ligne Maginot n’est pas seulement une pirouette phonétique. Le Président français devrait donner des angoisses à tous ceux qui tiennent encore la construction européenne pour une des réalisations les plus remarquables de l’après-guerre. “On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui”, disait Pierre Desproges. Peut-être aurait-il dit aujourd’hui; “On peut parler de frontières, mais pas avec n’importe qui!”
Sans être dupe des dérives ultralibérales et technocratiques de l’Union, qui n’est pas innocente dans la montée de la révolte populiste qui gronde sur le Vieux continent, le réflexe du retour aux frontières que nous propose Nicolas Sarkozy est effarant. Après s’être présenté collé à Angela Merkel comme un Grand Européen, il se plonge, le temps d’un deuxième tour, dans les facilités idéologiques et les démagogies nationalistes du Front national.
Même si la ré-industrialisation et la dé-délocalisation font désormais partie du bréviaire politique français, Nicolas Sarkozy va beaucoup plus loin, car, par une équation simpliste mais « calculée », il associe ces deux mots à la « protection des frontières », une expression polysémique qui mélange la raison et la déraison, qui a ses évidences mais aussi ses non-dits.
Or, la restauration industrielle de la France ne viendra pas de l’érection d’une nouvelle Ligne Maginot, qui fut en 1940 une bien piètre protection pour l’armée française face aux chars et avions allemands. Proche des milieux financiers internationaux, Nicolas Sarkozy le sait mieux que d’autres. Il sait que cet objectif légitime de protéger le tissu industriel du pays pour “retisser” le contrat social ne pourra pas être atteint en regardant vers l’extérieur, “d’où l’ennemi viendra”.
Il ne suffira pas, en effet, de changer uniquement les règles du jeu du commerce international ou européen (même si quand Nicolas Sarkozy parle de frontière, son public pense davantage aux migrations qu’aux produits bon marchés made in China). Il faudra aussi et surtout revenir sur la polarisation et l’exclusion sociales, qui ont accompagné les politiques de libéralisation et de privatisation oecuméniquement mises en œuvre ces trente dernières années par la droite, dont Nicolas Sarkozy, mais aussi par le parti socialiste.
L’avenir est européen
La réussite du projet européen reste notre meilleure et sans doute notre seule chance encore d’affronter le monde tel qu’il est, sans nostalgie de gloires passées mais avec la conviction que l’Europe n’est pas « déclassée » face aux pays émergents. Mais cette Europe de l’avenir, à repenser, à relancer, exige un dosage pondéré entre les sentiments d’attachement régional, national, européen et global. Elle ne résistera pas au retour des nationalismes et des populismes qui risquent, même si l’histoire bégaie plus qu’elle se répète, de nous rejeter dans l’ambiance toxique de l’entre-deux guerres. Les mots ont leur poids, même quand on les prononce lors d’une campagne électorale où les promesses ne valent que pour ceux devant qui on les tient. Ils ont aujourd’hui une particulière gravité, car ils peuvent à tout moment cautionner et légitimer un Front national, dont on prétend par ailleurs et à certains moments se dissocier.
En célébrant des grands noms de l’histoire de la France, qui appartiennent d’ailleurs, des Lumières à la Résistance, au patrimoine commun de l’humanité, le président Sarkozy rappelle des évidences. Mais en chassant trop à droite, en braconnant sur les terres fangeuses de l’extrême droite, il nie les Condorcet et les Jean Moulin que, par ailleurs, il célèbre. Et il prend à tout moment le risque de placer le curseur en-dehors des marges de la rationalité et de la fraternité, socle de l’esprit républicain.
Waw quel bel article !
Durant cette campagne présidentielle, j’ai légerement été effrayé par les discours des candidats.
Voilà un texte qui remet les pendules à l’heure et qui renforce mes convictions.
Bravo et merci ! 🙂
On ne cesse de dire que l’Europe est la solution. Mais pourquoi l’Europe? Pour la paix et la prospérité disent certains. Il est vrai qu’on a eu la paix (quoi que de manière relative, il y a eu la guerre en ex-Yougoslavie et l’Europe est impliquée dans plusieurs conflits: Irak, Afghanistan, Libye etc…) mais est-ce vraiment grâce à l’UE? On peut en douter. Quand à la prospérité, l’UE ne cesse de décliner et de plus les pays hors zone euro s’en sorte en général mieux. De plus l’UE est un monstre anti-démocratique (Conseil des ministres délibérant à huis clos, initiative des lois détenue par la Commission non élue, président du Conseil Européen non élu, etc…).
La plupart des régions du monde sont encore dominée par le modèle d’État-nation qui n’est pas dépassé comme on voudrait le faire croire. L’expérience nous dit que la paix va avec la démocratie (et l’UE n’en est pas un exemple) et la prospérité ne passe pas par l’UE, comme on peut le constater.
@Diolu : quelques beaux raccourcis, même si je ne peux pas totalement être en désaccord avec vous. Tout d’abord, l’Union Européenne a amené des avantages considérables au niveau économique (abolition des tarifs internes, libre circulation..) même si elle est le parfait bouc émissaire. Dire que c’est un monstre anti-démocratique est partiellement faux (large évolution quand même). Le Parlement est maintenant démocratiquement élu, et le droit d’initiative est maintenant entre ses mains (conjointement avec le Conseil). Je pense cependant que la complexité de ces institutions et un certain manque de transparence les rendent impopulaires aux yeux de la population. Quant à la discussion sur l’Etat-nation, seul l’avenir nous le dira..
merci de vos remarques, que je partage largement. Mais je ne dis pas du tout que l’UE est un monstre démocratique. Je la défends contre ceux qui en font un bouc émissaire précisément et je plaide par ailleurs pour une réforme qui lui permettre de mieux résoudre les défis économiques et sociaux auxquels elle est confrontée.
Juste une mise au point, La commission Européenne n’édicte aucune lois, le conseil Européen ( c’est à dire les ministres) demande à la Commission de faire des projets et à ce moment là, le conseil européen donne son accord et vote à la majorité, ensuite la commission veille à l’application des décisions
Alors la souffrance du racisme envers une religion, une couleur de peau est innacceptable. Je suis d’accord. La souffrance de quelqu’un qui perd quelquechose a quoi il est attache,son origine, est pour certain du racisme.
J’ai tendance a croire qu’arracher quelqu’un a ses origines est une souffrance si ca se fait contre sa volonte. Et l’histoire nous l’a prouve et le prouve encore.
Un tibétain qui s’immole par le feux car il souffre de sa perte d’identité… est il fou, rascite … ou c’est un sujet différent parce que les bretons a qui on interdisait il y a 60 ans de ne pas parler breton en classe, on ne peut pas comparer… Oui peut être.
Mais l’histoire de la mondialisation est en route, on ne changera rien.
Aujourd’hui, une personne d’origine arabe se sent français et tant mieux, une personne d’origine hongroise, espagnole, polonaise aussi, tant mieux. Je peux ajouter qu’une personne d’origine bretonne se sent anglais, et tant mieux 🙂 …
En somme, je dis juste que les nations qu’on connait n’auront bientôt plus de sens…
Pour revenir sur les USA, ce pays vieux de 2 a 4 siècles s’est construit sur l’immigration, moins la France, vieille de 1 a 2 millénaires.
Les historiens s’accordent a dire que la vague d’immigration connu par la France depuis 1980 est la plus importante en absolu et relatif de toute son histoire, grandes invasions comprises.
Et de meme, les mariages se faisaient dans un rayon de 15 km en moyenne jusqu’à il y a un siècle environ…
Bref debat ou pas debat, personne n’y changera rien. Terminons en avec la “consanguinité” pour que des hommes arrêtent de souffrir de la perte de leurs origines…
Et on sera comme dans le modèle americain, pour l’avoir tester aupres de dizaines d’américains…
Tes grands parents ils venaient d’ou ? La question sans réponse dans chaque cas…
Ils connaissaient juste la provenance de leur nom de famille…
Alors moi je viens de France… Et mes petits enfants se souviendront si j’ai de la chance que je sculptais des menhirs 🙂 … enfin parait il… mais tout ca c’est bien loin…
Et puis après tout, on vient tous d’Ethiopie d’après les sciences, alors relativisons, et retournons chez nous !
bonjour,
Monsieur Marthoz,
vous tenez un discours modéré, pondéré et vous produisez une analyse critique équilibrée.
Mais, en fin de compte, êtes-vous bien au fait que ce qu’est REELLEMENT cette Union Européenne ?
Avez-vous par exemple, lu “Circus politicus”, de Christophe Deloire et Christophe Dubois ?
(http://www.lexpress.fr/actualite/monde/qui-sont-les-puissants-qui-manipulent-nos-dirigeants_1077606.html)
Avez-vous visionné 1 conférence de François Asselineau, comme celle intitulée :
Qui gouverne réellement la France ?
(http://www.u-p-r.fr/videos/conferences-en-ligne/qui-gouverne-la-france)
Vous arrive-t-il de consulter des blogs qui proposent des décryptages sur la réalité qui se cache derrière la pensée-unique -superficiellement polémique- déversée par les médias ?
Comme celui-ci :
LE SILENCE DES LOUPS (Décryptage d’un monde interdit aux moins de 16 dents)
– MESSAGE N° 42
Du haut de cette pyramide, 3 corbeaux vous contemplent
(http://www.pro-at.com/forums-bourse/bourse-221-30072.html#1301452)
– MESSAGE N° 43
Le mépris souverain
(http://www.pro-at.com/forums-bourse/bourse-226-30072.html#1307617)
– MESSAGE N° 44
Le projet mondialiste, ennemi n°1 ?
(http://www.pro-at.com/forums-bourse/bourse-234-30072.html#1323511)
– MESSAGE N° 45
Le silence du mort
(http://www.pro-at.com/forums-bourse/bourse-244-30072.html#1344476)
Et pour finir, publié ce matin :
– MESSAGE N° 46
Les frontières parallèles
http://www.pro-at.com/forums-bourse/bourse-249-30072.html#1352233
Vous y lirez cet extrait d’un rapport sur la mondialisation remis au Président fin 2010 :
“En disqualifiant les appartenances, en détruisant
les affiliations nationales ou sociales, en congédiant les identités collectives
au profit d’une sorte de solipsisme fusionnel, on accélère la disparition de
toute médiation entre l’individu et le marché. La mondialisation, dès lors,
est d’abord celle du commerce, de la publicité, de la vulgarité mercantile”.
Le comble de la globalisation, c’est de parvenir à menacer en même temps l’universel et la différence”.
Votre article est soudainement éclairé tout autrement
…et paraît bien désespérément conventionnel, voire innocent.