Lors du sommet entre l’Union européenne et la Chine qui se déroule aujourd’hui à Pékin, Herman Van Rompuy et Jose Manuel Barroso auront-ils l’audace de soulever la question des droits de l’homme auprès de leur hôte, le premier ministre Wen Jiabao ?, nous interrogions-nous dans un blog posté il y a quelques heures.
Le communiqué officiel diffusé au début de cette semaine ne mentionnait pas ce sujet « délicat » et se référait essentiellement aux questions économiques et financières. Même si la note attachée en hyperlien à ce communiqué l’évoquait dans un court paragraphe, la priorité était clairement accordée au renforcement d’un partenariat stratégique avec une grande puissance qui non seulement s’impose sur le plan économique mais qui s’affirme également de plus en plus sur la scène diplomatique internationale.
Ce matin 14 février, le communiqué final conjoint a pourtant mentionné cet enjeu. Le 6ème point du texte (sur une liste de 31 articles) énonce notamment que “les deux parties ont souligné l’importance de promouvoir et protéger les droits humains et l’Etat de droit”
Le contexte de crise dans lequel se débat l’UE place les autorités européennes dans une situation de dépendance par rapport à Pékin. La Chine apparaît, en effet, comme un recours pour une économie européenne en désarroi et menacée d’implosion à la suite de la crise de la dette. Dès lors, la tentation était grande pour les dirigeants européens, déjà peu empressés en temps normaux de semoncer la Chine, de complètement écarter ce “sujet irritant” des discussions “sérieuses”.
Et pourtant, si l’on se rappelle l’ambition et l’engagement de l’Union européenne de mettre les droits humains au cœur de sa politique étrangère, la Chine offre un banc d’essai particulièrement pertinent. Human Rights Watch l’a rappelé dans une lettre adressée le 6 février au Président du Conseil Herman Van Rompuy. L’association y demande que les représentants de l’Union soulèvent la question des prisonniers de conscience et, en particulier, du Prix Nobel de la Paix Liu Xiaobo et qu’ils abordent la politique chinoise à l’égard de la Syrie, qui s’est récemment opposée, lors d’une session du Conseil de sécurité des Nations unies, à une résolution condamnant fermement le régime Al-Assad.
Et pendant ce temps-là à Washington
Coïncidence, le sommet Chine-Union européenne s’est ouvert au moment où le président Obama recevait à la Maison Blanche le vice-président chinois Xi Jinping. Cette rencontre de la Saint-Valentin à Washington a quelque peu éclipsé le sommet de Pékin. L’hôte de Barack Obama est, effet, le futur leader de la Chine et devrait bientôt assumer la direction du Parti communiste et la présidence du pays. Par ailleurs, les relations entre les Etats-Unis et la Chine apparaissent d’une autre ampleur que celles qui prévalent entre Bruxelles et Pékin, car, en mettant face à face deux puissances qui se testent et qui se toisent, elles mesurent aussi la capacité des Etats-Unis à préserver leur leadership global.
A Washington, des membres de l’administration ont solennellement promis de placer les droits humains « au centre des discussions ». « La Chine a tout intérêt à approfondir ses réformes politiques, en raison notamment du lien étroit entre l’ouverture, les droits humains et l’objectif de la Chine de créer une véritable société d’innovation », a déclaré Anthony Blinken, conseiller national de sécurité du vice-président Joe Biden.
Mais les associations des droits humains et de défense de la liberté d’expression ont tenu elles aussi à se rappeler au bon souvenir de la Maison Blanche, en soulignant la répression qui frappe les dissidents, les intellectuels et les journalistes chinois. « La liberté de la presse s’est détériorée en 2011 », écrit Joel Simon, directeur exécutif du Committee to Protect Journalists (CPJ), dans une lettre au président Obama. « A la fin de l’année dernière, 27 journalistes au moins étaient en prison, en violation flagrante des engagements internationaux de la Chine de sauvegarder la liberté d’expression et les droits fondamentaux ».
Ca nous concerne
Les droits humains et la liberté d’expression seraient-elles un luxe dans le contexte de crise économique actuelle ? Beaucoup d’observateurs sont prompts à le croire ou à le dire, mais Joel Simon apporte dans sa lettre au Président Obama une raison réaliste de défendre davantage de liberté en Chine. « A la suite du contrôle exercé sur les médias par les autorités chinoises, des informations vitales pour l’économie mondiale et pour les citoyens chinois, comme l’hygiène alimentaire, les risques environnementaux ou les conditions de travail injustes ou dangereuses, ne sont pas couvertes », écrit-il en substance.
La Chine, en d’autres termes, ça se passe sans doute loin de chez nous, mais ça nous concerne !