Il y a trois semaines, nous titrions notre chronique du Soir « la laque de la transition birmane ». Même si nous présentions les arguments des deux camps: ceux qui croyaient à un début de transition et ceux qui affirmaient leur scepticisme, peut-être notre titre et notre « chute » étaient-ils trop pessimistes.
Les nouvelles qui nous viennent de ce pays soumis depuis des décennies à une dictature de fer font état, en effet, d’une série de mesures qui pourraient bien indiquer une évolution plus profonde que celle que nous décrivions. Et un certain nombre de commentateurs, d’analystes et de diplomates semblent parier de plus en plus sur la « sincérité » du nouveau gouvernement.
Dans les jours qui ont suivi la publication de notre article, une série d’informations ont renforcé leur interprétation “optimiste” des initiatives adoptées ou annoncées par le gouvernement. Reporters sans frontières a souligné la levée du blocage de sites Internet jusque-là interdits, non seulement de médias internationaux comme Radio Free Asia ou Voice of America, mais aussi de médias birmans exilés, comme la Democratic Voice of Burma ou le magazine Irrawady. Et l’International Crisis Group a publié quelques jours plus tard un rapport au titre optimiste Burma : major reform under way qui concluait sur l’opportunité d’amorcer un processus d’engagement avec les dirigeants birmans.
Les réactions des sceptiques ont été plutôt rudes et l’International Crisis Group s’est vu accusé d’apaisement à l’encontre de la Birmanie. Mais à Bruxelles et à Washington, le balancier semble aller dans le sens d’une révision des politiques restrictives adoptées au cours des dernières années.
La décision, la semaine dernière, de suspendre la construction d’un barrage sur le fleuve Irrawaddy, un mégaprojet d’un montant de 3,6 milliards de dollars soutenu par la Chine, est venu renforcer leur sentiment que quelque chose est peut-être en train de changer. Ce barrage avait suscité l’opposition des défenseurs de l’environnement, de la minorité Kachin et du Prix Nobel de la paix et leader de l’opposition démocratique, Aung San Suu Kyi.
Celle-ci, qui a été reçue à plusieurs par le gouvernement depuis sa libération en novembre 2010, affirme croire à la sincérité du président Thein Sein, même si elle garde ses doutes sur l’évolution d’une réelle transition.
L’un des fondateurs de la LND, Win Tin, prône, de son côté, la prudence : « les pays occidentaux semblent heureux d’entendre parler de tous ces changements, a-t-il confié au New York Times, mais ils devraient être très prudents et attendre pour voir si le changement dont parle le gouvernement est réel ».
Jusqu’où ira le régime ? Fin septembre, la censure s’est quelque peu allégée et une loi a autorisé la création de syndicats. Pour la plupart des observateurs, toutefois, la libération des prisonniers politiques, en particulier des militants de la Ligue nationale pour la démocratie, serait le vrai symbole d’une rupture avec le système dictatorial. Certains diplomates croient que cette mesure est imminente et qu’elle devrait dès lors amener l’Union européenne et les Etats-Unis à revoir leurs politiques de sanctions.
Pourquoi cette soudaine « décompression » d’un régime qui avait pratiqué un autisme absolu à l’égard des pays qui l’appelaient à se libéraliser ? Selon The Economist, les dirigeants de la Birmanie (Myanmar, selon le terme officiel) voudraient sortir du sous-développement qui affecte leur pays et diminuer leur dépendance par rapport à la Chine, qui a considérablement développé sa présence économique et son influence politique dans la région.
Si cette analyse est correcte, elle va certainement dans le sens des intérêts des Etats-Unis et de l’Union européenne : les pays occidentaux veulent à fois bénéficier du potentiel économique considérable de la Birmanie et « cadrer » le poids de la Chine dans une région stratégique. L’administration Obama, qui a nommé un envoyé spécial pour la Birmanie, Derek Mitchell, a annoncé qu’elle répondrait « étape par étape » aux initiatives birmanes afin d’appuyer les réformes. A suivre, donc, et de très près.