Une malédiction démocrate-chrétienne?

La plupart des commentateurs politiques soulignent aujourd’hui le suivisme du CD&V par rapport à la NV-A, comme si le grand parti démocrate chrétien flamand, confronté à un choix crucial, n’était plus qu’un suceur de roue, incapable de proposer sa propre vision et prêt à abandonner son autonomie.

Il y a certainement des raisons tactiques dans cette attitude mais le mal n’est-t-il pas plus profond? En réalité, le CD&V peut-il encore se réclamer de l'”idéologie démocrate-chrétienne”, c’est-à-dire de cette référence au Bien commun, à la solidarité envers les faibles et les pauvres et à l’égalité entre les personnes qui constitue l’âme de ce projet politique?

La “malédiction” qui a touché de nombreux partis démocrates chrétiens, jusqu’à les gommer de la carte politique, de la France du MRP à l’Italie du PDCI, du Venezuela de COPEI au PDC du Salvador, provient sans doute de choix politiques malvenus, notamment en s’alliant à des formations plus “radical-conservatrices” mais aussi d’une distance de plus en plus grande avec la philosophie originelle du mouvement.

Au sein du CD&V, il y a certes des personnalités qui ne partagent pas le scotchage de leur parti à la NV-A, parce qu’ils craignent non seulement son nationalisme mais aussi son conservatisme social. Le mouvement ouvrier chrétien flamand est, d’ailleurs, sur une autre ligne que le parti chrétien démocrate.

Toutefois, la tendance semble être à l’affadissement de cette philosophie politique. Le même syndrome a gagné le Parti populaire européen, que Wilfried Martens a converti en un ensemble plus conservateur que démocrate-chrétien.

La présence du très droitier Parti populaire espagnol, du très populiste parti de Silvio Berlusconi ou du très nationaliste Fidesz du premier ministre hongrois Viktor Orban ont fortement gommé l’inspiration démocrate-chrétienne du plus grand groupe politique du Parlement européen. Loin des idées de Jacques Maritain ou d’Emmanuel Mounier, initiateur du personnalisme, dont des personnalités comme Herman Van Rompuy réclament encore l’héritage.

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19 réponses à Une malédiction démocrate-chrétienne?

  1. janvanbrugge dit :

    vous oubliez le suivisme aveugle dus CdH par rapport au PS

  2. Frooninckx l dit :

    Quelle comparaison! On peut trouver la même chose pour toutes les idées dans l’histoire.

  3. Claude Thayse dit :

    “il y a toujours eu au sein de ces partis des personnalités courageuses, des dirigeants et des militants qui ont refusé de suivre quand leur formation s’engageait sur des voies périlleuses”… Vous citez Mark Eyskens parce qu’il semble résister au suivisme de son parti, que dire alors de Jean Duvieusart, également ancien premier ministre, qui n’a pas hésité à participer à la création du Rassemblement Wallon contre l’opinion de son parti alors opposé à toute approche régionaliste ou fédéraliste ?

    • dialoogconstructif dit :

      Je ne vois pas la valeur ajoutée de votre commentaire : vous parlez de Jean Duvieusart qui était opposé à toute approche fédéraliste. Finalement, ce parfait inconnu n’aura suivi que la thèse évoquée dans cet article, c’est-à-dire “Quand il faut choisir, le plus souvent, les démocrates chrétiens choisissent mal”.

  4. Michel Hubert dit :

    Et chez nos voisins des Pays-Bas? Le montage actuel Libéraux-Sociaux Chrétiens-Chrétiens intégristes, avec parrainage du populiste de droite Wilders, est une tache!

    C’est que les partis chrétiens trouvent que leur présence au pouvoir va de soi, partout, toujours. Mais souvent, leur poids électoral ne le permet plus. Alors ils font pacte avec le diable (noir). Hélas!

  5. Lambert dit :

    hmm…

    Le NVA fait son travail : c’est un parti séparatiste, donc il sépare. On ne peut guère le lui reprocher

    Le CD&V est ici le coupable malgré lui; c’est à ce parti qu’incombe, depuis 50 ans, de faire fonctionner la Belgique sur une ambiguité constante : à la fois Belge et Flamand.
    Les dirigeants de l’ancienne génération de ce parti, Martens et Eyskens en tête, ont fait croître, à l’abri de cette ambiguité, une identité nationale purement flamande, de manière très organisée, avec presse, bekende vlamingen, prise de possession des associations professionnelles, sportives, etc

    Les chrétiens démocrates- flamands ont voulu faire croire (ou ont cru ?) que cette identité était compatible avec l’identité belge. Elle ne l’était pas; on ne peut pas donner sa loyauté à deux pays à la fois, imbriqués l’un dans l’autre. Cela, les francophones quant à eux l’ont tojours su, mais ont fait semblant de ne pas le comprendre, car ils n’avaient pas vraiment d’autre choix…

    Le miroir a éclaté, à cause d’un facteur structurel et un facteur conjoncturel.
    Structurel : changement de génération. La séparation des partis et la création d’un système politique régional exclusivement flamand a produit de nouvelles élites les élites du CD&V, qui ne doivent rien au niveau fédéral et connaissent très mal les autres composantes du pays. C’est au passage de génération (l’arrivée de Leterme en est le symbole) que s’est produit la rupture et le chavirement du CVP.
    Conjoncturel : la longue période dans l’opposition fédérale qui a permis une radicalisation régionale du parti.

    Eyskens, Martens et la vieille garde ne devraient pas verser des larmes de crocodile : ils récoltent ce qu’ils ont patiemment semé, arrosé et entretenu.

    • marievalerie dit :

      Merci de dire en quelques lignes ce qui est trop vrai pour que les médias ayant pignon sur rue en parlent !

    • olivier dit :

      les virus aussi font leur boulot. ils tuent des gens
      la nva et les “partis” nationalistes ne font pas leur boulot, ils tuent la démocratie et les acquis du peuple et étouffe l’humanisme d’une nation.

      ils ne font pas leur boulot, puisque si élu démocratiquement soient-ils, ils profitent de leur position pour systématiquement empêcher tout dialogue et compromis.
      le but d’un parti est de défendre ses idées, pas de les imposer.
      en les imposant, on a affaire à une dictature.

      “parti”, pourquoi entre guillemet? parce que majoritairement, les personnes qui votent pour ce genre de parti le font de facon tout à fait anarchique , non pas pour défendre leurs idées et intérêts. mais pour provoquer une situation de statu quo .

      exemple , à Charleroi, on vote fn pour se débarrasser du ps,:
      -pas parce qu’on est raciste,
      – malgré que l’on aie des idées et croyances de gauche.

      de tels votes anarchistes sont bien plus dangereux que les votes blancs,
      on vote pour une situation de conflit en sacrifiant nos idées et croyances politique sur l’autel de la loi du talion.

      un parti qui obtient une majorité de voix répondant à cette description n’a aucune valeur démocratique.
      et c’est encore plus vrai quand on a affaire à un parti qui bloque toute discutions afin d’arriver à un point de non retour, la scission d’un pays.

      moult études ont été commandée et payée grassement en pot de vin pour nous démontrer que bruxelles est vitale, que la wallonie ne l’est pas, que la flandre est le moteur de la belgique.

      la flandre est ultra libérale est ne sera satisfaite que lorsqu’il y aura une majorité de travailleurs pauvre, pret à tout pour travailler à n’importe quel salaire,quitte à devoir dormir dans un bus, sans logement.

      la nva n’est pas un parti, ce sont des sièges grassement payé par la voka.
      voila la raison pour la quel , il n’y a pas encore eu de déclaration d’indépendance de la flandre, la voka y perdrai.
      et voila pourquoi bart de wever dit non encore et encore, c’est un investissement à long terme afin de se débarasser de l’influence gauchiste en flandre et en wallonie, bruxelles n’ayant pas son mot à dire, bruxelles qui de toute facon est totalement dépendante de la wallonie et de la flandre, capitale de centralisation qu’elle est.

      le prétexte de la langue et de la défense de la culture flamande n’est qu’un leurre grossier, mais il a le mérite de faire gagner des voix en volant celle du vb.
      même les gauchiste de flandre s’y sont laissé prendre de peur en définitive de se faire traiter de mauvais flamand, dans une Flandre qui se veut négationniste,révisionniste.

      la différence entre les virus et la nva, c’est que le virus n’a pas de conscience, la nva sait exactement ce qu’elle fait.

  6. Paul dit :

    Il est de mode, ces jours, de louer la République (la de España) comme si celle-ci était véridiquement “démocratique”. C’est vrai, il paraitrait (il y a discussion…) qu’elle (enfin, ces partis la constituant) avait gagnée les élection (celles là, de 1936).
    Il est parfaitement comprenable, et logique, que les faibles partis chrétien-démocrates d’Espagne préferaient suivre l’élan du Général Franco, plûtot que de s’allier avec les anarchistes et les communistes (lire: Stalin) de la République. Alors, les généralisations….on ne peut transposer l’Espagne de 1.936 en situation Belge de 2012. Je suppose que vous préférez les Sociaux Démocrates francophones? Allez-y, mais chez vous.

  7. Stéphane dit :

    Je me demande comment un parti politique peut encore se revendiquer chrétien (ou musulman, ou juif, ou…). Nous sommes dans un état laïque, et la religion ne devrait pas interférer avec le politique.

    • Alain dit :

      Un état laïque ? La Belgique ?? Non… un état neutre, mais pas laïque. Voir à ce sujet dans la collection “Que-sais-je”, le livre “La Laïcité”, de G. Haarscher.

  8. M a n u dit :

    Le 19 février 2011, la presse néerlandophone titrait “CD&V stapt niet in de regering zonder N-VA.”

    Beke reste toujours fidèle (attaché) à la voix de son maître.
    Le dessin de Clou reste toujours d’actualité. bit.ly/pG1bnD
    Rien ne change. Maintenant, Wouter Beke ne cherche même plus à retenir son maître.

  9. Lougri dit :

    je suis étonné que mon commentaire ne soit pas publié. La pensée unique de la Flandre aurait-elle déjà pollué Le Soir au point qu’il soit scandaleux et interdit de rappeler les responsabilités du CD&V et son prédécesseur CVP dans la situation de la Belgique, mais aussi dans la politique aberrante suivie par l’église flamande et leurs tenant politiques, dictée par un dogmatisme inspiré d’analogies fausses avec la mère patrie belge, et qui a été l’une des causes profondes de la haine hutu/tutsi qui a dégénéré dans le génocide que l’on sait. Responsabilité attestée par la plupart des historiens de l’action coloniale blege dans ce pays.

  10. Au moment important, les démocrates-chrétiens font toujours le mauvais choix. Il suffit de se rappeler le choix du CDH pour le PS.

    • un type dit :

      Très intelligent, mais…
      Vous oubliez sans doute que Jésus aurait été le premier homme de gauche. Pas le premier francophone, ni le premier libéral. Mais peut-être bien le premier populiste important après Moïse (ou alors dieu le père).
      Bref, tout ça pour quoi ?
      Pour faire le jeu d’Albert Frère, tous partis confondus.
      Finalement, on sait qu’il ne sert à rien de penser socio-économique, on n’a de prise que sur le communautaire, car ça, le socio-économique s’en fiche presque.
      Alors pensez ce que vous voulez, ça ne changera rien à la donne.
      En vérité, je vous le dis.

  11. Observateur BXL dit :

    L Opinion d Hugo Schiltz sur la NVA, interrogé par Siegfried Bracke en 2002 : Les arrières-pensées de ces gens de la NVA sont authentiquement totalitaires. Traduction de l’interview : Journaliste de PHARA : Ecoutons ce qu Hugo Schiltz lui-même pensait de la NVA. Et nous avons trouvé une interview de 2002 dont les questions sont de Siegfried Bracke. Hugo Schiltz : La NVA est contaminée à mort et le péché est d abord le nationalisme ! Siegfried Bracke : C est une déclaration forte ! Hugo Schiltz : Je sais cela. Je sais cela. Peut-être que je suis plus sensible que vous qui avez grandi dans un autre milieu. J ai été élevé dans ce milieu (nationaliste). Siegfried Bracke : Juste. Hugo Schiltz : Je connais les arrières-pensées de beaucoup de ces gens. Siegfried Bracke : Et elles sont ? Hugo Schiltz : Elles sont authentiquement totalitaires. Fin de l’extrait http://www.youtube.com/watch?v=o_MxLOv9yyQ

  12. Charles dit :

    C’est intéressant mais cela me semble un peu sommaire, Jean-Paul. Je pense pour ma part que la démocratie-chrétienne est foncièrement une idéologie d’Ancien Régime, anti-Lumières, anti-modernité. En ce sens, nous ne vivrions que le vieil affrontement de Vonck et de Vander Noot, car la N-VA n’est, après tout, que l’avatar moderne de la démocratie-chrétienne… sans l’Eglise! A ceci près que l’empreinte a été si forte que, de l’autre côté, le PS n’est finalement plus que la DC de la Wallonie, selon l’injonction de Vandervelde (cf. “Le socialisme contre l’Etat”). Quant aux libéraux, ils se sont évanouis. Je pense que la Belgique convulse d’avoir tenté d’échapper à la Modernité. Je suis elliptique et provocant, je sais, mais je crois qu’il faut chercher dans cette direction.

    • jean-paulmarthoz dit :

      merci Charles pour ce “suivi” dans mon analyse. Cette formule du blog journalistique est presque toujours un peu “sommaire” et “elliptique”. L’important est de susciter des réflexions et d’entretenir un débat citoyen et démocratique et dès lors contradictoire et sans aucun doute de corriger le côte un peu “péremptoire” d’un blog par la publication des commentaires les plus éclairés et les plus pertinents.

  13. passifigue dit :

    Tout cela a un petit parfum de …moyen-âge. Occupation du pouvoir et sauvegarde des privilèges pour les nantis. Tout juste si le PPE ne met pas l’Europe sous la protection de la Vierge Marie.
    Et avec l’alliance avec la NV-A on a même droit au retour de l’ommegang pour de vrai, une débauche de drapeaux et de processions.

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