« Une communauté réduite au caquet »

Il y a des moments où l’on aspire à entendre des voix d’autant plus fortes qu’elles sont calmes. Des moments où l’on rêve d’être à mille lieues de ces « torrents d’émotions jetables et de commentaires désinvoltes qui submergent nos vies », comme l’écrit le sociologue Todd Gitlin. Loin du charivari des plateaux de télévision populistes, où les invité(e)s disent n’importe quoi et pontifient à tour de bras.
Dans son dernier livre, Le courage de la nuance (Le Seuil), Jean Birnbaum, directeur des pages littéraires du Monde, nous rappelle ces quelques auteurs qui, à leur époque, ne furent pas les coqueluches de Billancourt ni de Saint Germain des Prés. Albert Camus, George Orwell, Hannah Arendt, Raymond Aron, Georges Bernanos, Germaine Tillion, Roland Barthes dérangeaient trop les esprits pétris de certitudes. C’était le temps où il valait mieux « avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aron ».
« Dans le brouhaha des évidences, il n’y a pas plus radical que la nuance », écrit Jean Birnbaum. Qu’on ait à répéter ce qui devrait être une lapalissade donne la mesure désolante d’une sphère publique largement dominée par les imprécateurs et les prédicateurs, têtes de gondole du « hard discount » de la pensée. Un immense café du Commerce, qui serait juste agaçant s’il l’on n’y était pas constamment au bord de la castagne, alors que notre société, confrontée à tellement de défis, aurait besoin d’un peu de sérénité et de vérité.
Si le péremptoire a presque toujours fait partie de la lutte politique, il atteint aujourd’hui un niveau de toxicité insoutenable, porté par un système qui pousse à la tribalisation et donc à la dégradation de la pensée. Qui, dans les cercles woke ou réacs, racistes ou racisés, tolère la parole posée et la pensée complexe? « Je crois, donc je doute », aimait dire l’ancien directeur d’Antenne 2 et de La Croix, Noël Copin. Que dirait-il aujourd’hui face à ces réseaux sociaux, qui matraquent leurs évidences et leurs vérités révélées? Comment réagirait-il face à cette « communauté réduite au caquet (…), où la liberté de parler contribue à ruiner écoute mutuelle et échange argumenté », comme s’en inquiète Monique Canto-Sperber dans son livre Sauver la liberté d’expression (Albin Michel, 2021)?
Un mot de travers, même par inadvertance, et c’est un déferlement de fiel et de haine. De tous côtés. Même celles et ceux qui défendent de grandes et nobles causes, en faveur de plus d’égalité et de liberté, en arrivent à s’enfoncer dans ces bagarres dégradantes, insultes contre insultes, comme au bar d’un hôtel borgne. Avant d’en appeler à censurer…l’Autre, comme le dénonçait déjà Nat Hentoff en 1992, dans son essai Free speech for me, but not for thee (sous-titré: où comment la gauche et la droite se censurent l’une autre), alors que la liberté d’expression, note Monique Canto-Sperber, « c’est la certitude que nous continuerons à nous parler et à nous surprendre ». Continuer la lecture

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La fin des guerres sans fin?

La décision de Joe Biden de retirer les troupes américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre était attendue. Et inévitable. Hostile depuis des années à ces engagements militaires sans gloire, le nouveau Président s’inscrit dans la ligne de Barack Obama et Donald Trump, qui, chacun à leur manière, avaient prôné la réduction de « l’empreinte » militaire américaine dans le monde. Avant de se raviser sous la pression des événements et de prolonger « une dernière fois », dans l’urgence, les déploiements militaires en Syrie ou en Afghanistan.
Joe Biden est en phase avec une opinion publique qui, après avoir applaudi il y a 20 ans à l’envoi des troupes, s’est lassée des aventures extérieures et surtout de ce sentiment d’échec et d’impuissance que laissent ces forever wars (guerres perpétuelles). Le bilan établi par les experts du projet Costs of War (Brown University) chiffrent cette fatigue et ce désarroi: « au moins 7000 soldats et près de 8000 « contractors » américains ont été tués, notent les chercheurs. Le coût des guerres en Irak, Afghanistan, Pakistan et Syrie s’élève à ce jour à une somme totale de 6,4 trillions de dollars. Une bonne partie de l’argent destiné à soulager la crise humanitaire et à reconstruire la société civile s’est perdue dans la fraude et le gaspillage ».
Depuis la crise économique et financière de 2008, le chaos des années Trump et la pandémie du Covid 19, nombre d’Américains se sont peu à peu convaincus qu’ils s’étaient fourvoyés dans une « guerre contre la terreur » qui les a largement distraits d’enjeux géopolitiques majeurs, comme la montée en puissance de la Chine, et de défis colossaux, comme la fracture sociale interne et le changement climatique. « La lutte contre le terrorisme a été la principale boussole de la politique américaine et européenne au Moyen-Orient. Elle cède de plus en plus le pas à la compétition des puissances (…). Dores et déjà, les forces armées américaines se structurent dans l’hypothèse d’une confrontation avec l’Empire du Milieu », écrivent Marc Hecker et Elie Tenenbaum, chercheurs à l’Institut français des relations internationales (IFRI), dans leur récent et excellent essai La guerre de vingt ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle (Robert Laffont). Continuer la lecture

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“Nous voulons savoir où nous allons”

Le Covid 19 est sans doute l’un des plus grands défis lancés aux démocraties occidentales depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Mais, paradoxalement, au-delà des débats d’experts et des chamailleries politiciennes, la pandémie a surtout révélé l’absence d’un « grand récit », de cette interprétation du moment et du monde, de cette affirmation de valeurs et d’objectifs, qui permettent à des sociétés désemparées de se rassembler, au-delà de leurs différences et de leurs différends.
Aucun grand discours n’est venu donner du sens à la crise, alors que l’incertitude aurait mérité autre chose que des déclarations convenues et des consignes techniques. Certes, on n’est pas en guerre. Il n’y a donc pas eu d’appel du 18 juin. Il n’y a pas eu non plus de harangue épique à la hauteur du discours des « heures sombres » prononcé par Winston Churchill le 4 juin 1940 à la Chambre des Communes. Ni d’exposé grave comme celui de Franklin Roosevelt le 6 janvier 1941 sur les Quatre libertés, dont celles, tellement d’actualité, de « vivre à l’abri du besoin et à l’abri de la peur ».
Mais, diront certains, pourquoi faudrait-il évoquer cette grandiloquence d’antan, alors que l’on demande essentiellement « un peu de bon sens » et « un retour à la normalité »? N’a-t-on pas besoin d’abord de compétence et de cohérence? De praticiens de la bonne gouvernance plutôt que de philosophes de la bien-pensance? A court terme, oui, le plus vite possible, oui.
Toutefois, le Covid, même s’il s’affadit ou s’éteint, laissera inévitablement des traces qui ne s’effaceront pas aussi vite que le souhaiteraient les partisans du retour à la normalité. Car si la gestion de la pandémie, écrivions-nous dans une précédente chronique, est le révélateur d’une longue fuite en avant, elle est aussi un avant-goût de crises bien plus compliquées encore et pour lesquelles nous ne sommes guère préparés. Des crises que nous rappelait mardi la Direction des agences de renseignements américains dans son « évaluation annuelle de la menace ». Comme le changement climatique, les mouvements migratoires massifs, la cyberguerre, le terrorisme et la puissance globale de la Chine. Comme le basculement social et sociétal qu’annoncent l’intelligence artificielle et la robotisation. Ou l’impasse dans laquelle nous entraine inexorablement un « modèle » fondé essentiellement sur l’exploitation de ressources non renouvelables. Continuer la lecture

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Les nouveaux maîtres chanteurs

Vous pensiez regarder The Dissident, le documentaire de Bryan Fogel sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi ? Pas sur la plupart des grandes plateformes de streaming, en tout cas, car elles n’ont pas osé froisser l’Arabie saoudite. « Ces entreprises qui ont choisi de ne pas distribuer le film sont, selon moi, complices », dénonçait à la mi-janvier le réalisateur. Presque seule parmi ces géants, la plateforme Amazon Prime s’est distinguée en diffusant le film, du moins aux Etats-Unis. Il est vrai que Jeff Bezos est le propriétaire du Washington Post, le journal auquel collaborait le journaliste assassiné le 2 octobre 2018 dans le consulat saoudien d’Istanbul.
Ainsi, des entreprises culturelles privées qui se réclament altièrement de la liberté de créer et de dire n’hésitent guère quand il s’agit de choisir entre leurs grands principes et leur « bottom line ». Comme le disait en 2019 un responsable de Netflix, cité par Bryan Fogel, « nous ne sommes pas une entreprise qui dit la vérité au pouvoir, nous sommes une entreprise de divertissement ».
Les pressions des dictatures sur la liberté d’expression à l’extérieur de leurs frontières ne sont pas neuves. Dans les années 1930, l’Allemagne eut son censeur attitré à Hollywood, Georg Gyssling, consul à Los Angeles. « Il excellait dans son travail, écrit l’historien américain Steven Ross, auteur de Hitler in Los Angeles. Il brandissait la menace de l’exclusion du très rentable marché allemand pour empêcher les studios de faire des films préjudiciables au prestige de l’Allemagne ». Selon le Hollywood Reporter, les Nazis auraient, entre autres, intrigué pour empêcher la réalisation du film de Herman J. Mankiewicz, The Mad Dog of Europe, qui dénonçait la persécution des Juifs en Allemagne. Comme l’écrit Ben Urwand, auteur du livre The Collaboration: Hollywood’s Pact with Hitler, de grands studios collaborèrent avec l’Allemagne nazie jusqu’au début de la guerre.
Dans les années 1940, le régime franquiste suivit la voie tracée par son mentor allemand. Madrid n’épargna aucun effort auprès des studios de Hollywood pour « corriger » le film tiré du best seller d’Ernest Hemingway sur la guerre civile espagnole, Pour qui sonne le glas? Les franquistes les plus ultras détestaient l’écrivain, qui avait couvert la guerre à partir du camp républicain. Ils le considéraient même comme une menace pour « la morale conservatrice de l’Espagne ». A l’instar de son homologue allemand, le consul espagnol à Los Angeles s’évertua à édulcorer l’anti-franquisme du film. «L’industrie cinématographique, note l’historien américain Douglas LaPrade, se fit complice de la censure franquiste, en supprimant notamment une scène de viol de l’héroïne par des phalangistes ». Continuer la lecture

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“Si la presse n’avait pas été là “

Samedi dernier, interviewé par le journal télévisé de la RTBF, le fils d’une personne accusée en 1990 de crime de lèse-majesté a rendu un hommage inopiné au journalisme. « Si la presse n’avait pas été là, mon père aurait eu de très sérieux ennuis », déclarait-il en évoquant « l’enclenchement de la machine judiciaire et le risque d’un procès en cour d’assises ».
« Si la presse n’avait pas été là… »: la phrase apparait presque incongrue aujourd’hui, alors que les horions pleuvent sur une profession qui est dénoncée tour à tour comme l’instrument du Grand capital ou comme un « nid de gauchistes ». Une profession qui se fait taper dessus dans les manifestations et qui est contournée par des réseaux sociaux qui la pillent et la prennent de haut.
Bien sûr, la presse a péché, pèche et péchera. Ni plus ni moins sans doute que les autres professions. Mais l’histoire et l’actualité du journalisme ne sont pas seulement celles de ses dérives et de ses excès. Ces derniers mois, en tout cas, dans notre bon Royaume, « si la presse n’avait pas été là », si Le Soir en particulier n’avait pas été là, une cascade de « dysfonctionnements » seraient sans doute restés dans l’ombre. Dans un système où les partis politiques s’entrecroisent au sein des institutions et des coalitions, qui d’autre que la presse avait vraiment envie d’enquêter sur l’affaire Nethys, la saga des masques Avrox ou « l’usine à gaz » de la gestion et de la protection des données à l’heure de la pandémie?
Depuis sa véritable naissance au milieu du XIXème siècle, la presse, une certaine presse, a fait ce que certains dans les lieux de pouvoir n’attendaient pas vraiment d’elle. Elle a joué un rôle de quatrième pouvoir, alors que les trois autres (gouvernement, parlement, justice) somnolaient ou « colludaient ». Du « J’accuse » d’Emile Zola en 1898 dans L’Aurore en faveur du capitaine Dreyfus jusqu’aux reportages d’Albert Camus en 1939 dans Alger Républicain sur la misère de la Kabylie, elle est régulièrement sortie du corral où les « gens convenables » auraient aimé la confiner. C’est de cette manière qu’elle a contribué à construire et à protéger la démocratie. Continuer la lecture

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La fuite en avant des démocraties

Mais qu’est-ce qu’il leur arrive? Les démocraties occidentales étaient censées être les mieux équipées, les plus compétentes et les plus efficaces. Et patatras, depuis que le coronavirus a imposé sa loi, la plupart d’entre elles improvisent, cafouillent, procrastinent. Le système qui avait jusqu’ici assuré les meilleurs Produit et Bonheur intérieurs bruts ressemble de plus en plus à une poule sans tête.
Pendant ce temps-là, alors qu’elle est au « ground zero » de la pandémie, la Chine plastronne. A Wuhan, c’est presque le retour à la normale, comme si rien, ou si peu, ne s’était passé. Et la presse officielle se prend même à ironiser sur les incapacités et le décervellement de l’Occident.
Même si la réalité, qui a l’humeur taquine, peut à tout moment « tacler » ceux qui croient marcher dans le sens de l’Histoire, la Chine de Xi Jinping clame haut et fort que son système autoritaire est de loin plus efficace, pour assurer la sécurité sanitaire et la prospérité économique, que les vieilles démocraties occidentales, prétentieuses et velléitaires, incapables, comme le dit la chanson, de « mettre un pied devant l’autre et de recommencer ». « Une façon de détourner l’attention des camps de rééducation du Xinjiang et de l’étouffement des libertés à Hong Kong », s’agace-t-on en Occident, mais cette évidence ne devrait pas servir de prétexte aux démocraties pour s’exempter de s’interroger sur leurs défaillances. Continuer la lecture

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Joe Biden face à l'”ennemi intérieur”…

Après les attentats du 11 septembre 2001, les services de sécurité américains s’étaient inquiétés du risque d’infiltration de militants djihadistes au sein des forces armées ou policières. En 2009, une fusillade sur la base texane de Fort Hood (13 tués) avait confirmé ces risques d’ « attaques de l’intérieur ».
Aujourd’hui, c’est l’extrême droite qui est dans le viseur des autorités. L’invasion du Capitole, le 6 janvier dernier, a été un partage des eaux: «Il s’est avéré que 20% des personnes poursuivies pour agissements répréhensibles ont un lien passé ou présent avec la police et l’armée, alors que les forces de sécurité n’englobent que 7% de la population. Cette disproportion révèle la porosité des thèses conspirationnistes et suprémacistes parmi ceux ayant choisi le métier des armes », écrivait fin janvier le correspondant du Soir, Maurin Picard.
Dans les « services », l’heure est à l’introspection. « Nous devons comprendre pourquoi les extrémistes de droite ont de manière disproportionnée une expérience militaire », notait Heather Williams, chercheuse à la Rand Corporation, un centre d’études proche du Pentagone. « Si la police était aussi mal préparée pour l’invasion du Capitole, c’est peut-être parce qu’elle considère habituellement les partisans de Trump comme des alliés », constataient Jesselyn Cook et Nick Robins-Early dans le HuffPost.
De nombreuses voix avaient mis en garde contre cet entrisme d’extrême droite. En 2006, le Southern Poverty Law Center, l’une des principales associations de lutte contre l’extrémisme, notait qu’« un nombre alarmant de skinheads néo-nazis et d’autres suprémacistes blancs s’infiltre au sein des forces armées afin d’y acquérir une formation au combat». Alarmés, une quarantaine de membres du Congrès avaient alors demandé au secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, d’appliquer une politique de tolérance zéro. « Nous avons vu avec Timothy McVeigh que l’extrémiste raciste d’aujourd’hui peut devenir le terroriste intérieur de demain », s’était alors exclamé le sénateur républicain de l’Alabama, Richard Shelby, faisant référence à l’auteur de l’attentat d’Oklahoma City, en 1995, qui fit 168 morts et des centaines de blessés. Continuer la lecture

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Middle America First!

Le 20 janvier dernier, le mouvement des droits humains a poussé un soupir de soulagement. Exit une Administration qui, notait Mark Danner dans la New York Review of Books, a été « la première depuis la Seconde guerre mondiale à avoir complètement renoncé à l’agenda des droits humains ». Exit un Président qui, interrogé sur ses relations avec des leaders autoritaires, osait avouer au journaliste Bob Woodward : « C’est marrant, non? Plus ils sont durs, plus ils sont méchants, et mieux je m’entends avec eux ».
La prétention de Donald Trump était de défendre les intérêts de l’ « Amérique d’abord » et dans ce slogan, il n’y avait pas de place pour les droits humains, sauf pour accabler les bad hombres de Caracas ou de Téhéran. Et pourtant, son « réalisme bourru» n’a pas été plus convaincant que le « naïvisme » imputé à ses prédécesseurs. Contrairement à ses rodomontades, l’administration Trump n’a en rien endigué la puissance de la Chine. Elle n’a pas non plus dompté la résurgence de la Russie, déboulonné Nicolas Maduro ou bridé l’activisme de l’Iran. Elle a même contribué à saper la crédibilité internationale des Etats-Unis.
Lors de la campagne électorale, Joe Biden s’était engagé à placer les droits humains « au coeur de la politique américaine ». C’est dans l’ADN d’un Parti démocrate marqué par Jimmy Carter, le premier Président à définir, lors d’un célèbre discours en 1977 à l’Université de Notre Dame (Indiana), une doctrine de politique étrangère fondée sur les droits humains. Mais pourra-t-il vraiment échapper aux lois d’airain du monde tel qu’il est? L’histoire des Etats-Unis (et des autres pays démocratiques) montre amèrement que lorsqu’il s’est agi de faire des arbitrages, les intérêts économiques et les priorités stratégiques l’ont généralement emporté sur les « valeurs » solennellement proclamées. Continuer la lecture

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Cherche « Républicains respectables », désespérément

« Edelweiss, edelweiss, bénis ma patrie pour toujours… ». Vous avez peut-être seriné cet air à Noël, après avoir revu le film La mélodie du bonheur. Suavement douillette et, à première vue, terriblement datée, elle est pourtant d’une rare actualité. Car, que nous dit cette mélodie chantée par la famille du capitaine patriote von Trapp face aux nazis et aux collabos autrichiens à l’époque de l’Anschluss? Sinon que le sort d’une nation menacée par l’extrémisme de droite dépend largement du choix de ses dirigeants et de ses citoyens conservateurs modérés.
L’histoire est encombrée d’exemples où des dictatures d’extrême droite sont arrivées au pouvoir grâce au basculement assumé ou contraint de partis conservateurs jusque-là respectables. Mais il n’y a pas de porosité automatique: De Gaulle et Churchill ont illustré avec éclat ce barrage que le conservatisme traditionnel peut efficacement opposer aux extrémismes de droite.
Comment ne pas penser à l’Amérique d’aujourd’hui? Certes, on n’est pas dans l’Autriche de 1938, comparaison n’est pas raison, mais quand des émeutiers, chauffés à blanc par leur Président, prennent d’assaut le temple de la démocratie à Washington et que des dizaines de millions d’électeurs républicains sont persuadés que Joe Biden est un imposteur, il est impossible de ne pas s’interroger sur la responsabilité du Parti républicain dans cette stupéfiante déglingue des valeurs et des normes. Continuer la lecture

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La Chine et la stratégie du déni

Quelles sont les responsabilités de la Chine dans la pandémie de la Covid-19? « Aucune », rétorquent les très susceptibles autorités chinoises. Et de nombreux pays semblent accepter les explications de cette « puissance émergente » avec laquelle ils ont tissé bien imprudemment des liens qui aujourd’hui les contraignent au silence, voire à la servilité.
Les dénégations indignées de la Chine, toutefois, ne font que renforcer les doutes et les suspicions. La censure initiale sur la dangerosité du virus, les lenteurs dans la communication mondiale des données, les rétorsions à l’encontre des pays, comme l’Australie, « osant » demander une enquête internationale ou encore les maquignonnages  sur la composition, le calendrier et la feuille de route de la Commission internationale de l’OMS apportent inévitablement de l’eau au moulin de tous ceux qui ont déjà déclaré la Chine coupable.
Le refus, au début de cette semaine, de laisser entrer des membres de la Commission d’investigation de l’OMS, prétendument pour des questions de visas, ajoute à ces suspicions. Cette mesure apparaît comme une démonstration de puissance et une mise en garde. La Chine ne tolérera pas la moindre déviance par rapport à son script officiel. Cette arrogance et cet arbitraire ont même amené le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans un très rare mouvement d’humeur à l’encontre de Pékin, à exprimer sa « déception ».   Continuer la lecture

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