Donald Trump, le cousin d’Amérique de Geert et Marine

L’attrait que suscite le milliardaire Donald Trump au sein de l’électorat républicain pourrait n’être qu’un feu de paille. C’est ce que prédisent la plupart des commentateurs américains. Il ne suffit pas de se comporter en bateleur de foire et de s’en prendre aux « bimbos » et aux Latinos pour obtenir l’investiture du parti républicain. Même si ce parti, comme l’écrivait récemment le très pondéré Thomas Friedman dans le New York Times, « est devenu dingue ».
« Donald Trump ne nous fait plus rire », notait Barret Holmes Pitner dans The Daily Beast, soulignant que certains de ses  partisans s’étaient mis à crier « pouvoir blanc » et que le site nationaliste blanc The Daily Stormer lui avait accordé son appui. Mal vu par l’Establishment républicain traditionnel qui craint aujourd’hui ses foucades et ses provocations, Donald Trump semble condamné à faire quelques petits tours de piste et puis, à s’en aller, la houppe au vent, vers de nouveaux épisodes de son opéra-bouffe itinérant.
Toutefois, si le phénomène Trump se consume au fil des mois, les discours qu’il a tenus et les enjeux qu’il a soulevés ne disparaîtront pas. En tirant sans sommation sur tous les ennemis de « son Amérique », Trump a allumé un feu de prairie qui risque de faire des dégâts.

En s’en prenant violemment aux sans papiers mexicains, il a sans doute compromis la stratégie républicaine de séduire les Latinos, « des conservateurs qui s’ignorent », comme l’avait dit Ronald Reagan. Mais il a surtout mis en évidence l’existence ou plutôt la persistance d’une Amérique inquiétante, frustrée, revancharde, qui fait un bras d’honneur à la raison et entre dans l’avenir à reculons.
Qui sont en effet ces 30% d’électeurs républicains qui disent accorder aujourd’hui leurs faveurs  à Donald Trump? Même si certains le soutiennent par bravade, même si d’autres le voient tout bonnement comme un nouveau Ronald Reagan, sa candidature a électrisé une partie de la population blanche qui se reconnaît dans une droite populiste et chauvine, prête à en découdre avec les minorités ethniques, les libéraux, les « gauchistes », les Chinois, les Frenchies et le reste du monde. Une Amérique qui, fondamentalement, n’a pas digéré que Barack Obama ait pu accéder à la fonction suprême et qui est prête à tout pour gâcher sa présidence et revenir en arrière, même au risque de nuire aux intérêts supérieurs du pays.
Son attrait, comme le démontre Evan Osnos dans un long reportage du New Yorker, déborde des limites déjà extrémissimes du Tea Party pour s’étendre à des formations politiques plus radicales encore, proches des sectes suprémacistes ou des nostalgiques de la Confédération sudiste. Cette Amérique qui s’entiche de Donald Trump est ainsi l’expression d’un courant éternel que Richard Hofstadter avait brillamment analysé en 1964 dans son livre sur le « style paranoïaque » dans la politique américaine. En 1850, ce courant s’était traduit dans le mouvement nativiste des « know nothing »qui s’opposaient à l’immigration massive des catholiques irlandais. A l’aube de la Seconde guerre mondiale, Il s’était emballé pour le prêtre national-catholique Charles Coughlin qui, dénonçait le New Deal de Roosevelt, l’influence juive et l’engagement des Etats-Unis aux côtés de l’Angleterre.

Nostalgies
Aujourd’hui, insécurisée par les changements démographiques qui annoncent la minorisation des blancs « caucasiens » au sein de la population américaine, fragilisée par une globalisation que les Etats-Unis ne contrôlent plus, cette « Amérique paranoïaque » se sent menacée dans son identité et se réfugie dans la nostalgie d’une époque révolue. Lorsque le pays était et, de très loin, la première puissance du monde. Lorsque les « communistes » et autres partageux se tenaient à carreau. Lorsque les Noirs du Sud Profond devaient rester à leur place. Lorsque les dos mouillés pouvaient être renvoyés sans égards de l’autre côté du rio Grande. Lorsque les femmes se contentaient d’arranger leur chignon à la maison.
Donald Trump, avec ses vantardises sur sa richesse et ses succès de chef d’entreprises, renvoie à cette image d’un rêve américain, clinquant comme un casino de Las Vegas, dont une certaine tribu blanche se croyait le propriétaire exclusif. A l’image des nouveaux populistes européens qui parlent eux aussi comme des plébéiens, il ne représente pas les plus pauvres et les plus faibles face aux élites. « Il est la voix du privilège contrarié », écrit Jeet Heer dans The New Republic, de ceux dont l’anxiété, attisée par la crainte d’une perte de statut et de revenus. débouche non pas sur un désir de justice et solidarité, mais sur une volonté brutale d’inégalité et d’exclusion.
Ainsi, même s’il se veut aussi américain que la Winchester, Donald Trump est le « cousin d’Amérique » des mouvements populistes d’extrême droite qui émergent aujourd’hui en Europe. « Trump a conduit l’Amérique dans le courant qui traverse les autres démocraties occidentales – la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, la Grèce, la Scandinavie – où des partis xénophobes et nationalistes assiègent les politiciens modérés », note Ishaan Tharoor dans le Washington Post. Il est l’avatar américain de Marine Le Pen ou de Geert Wilders. Comme eux, il est le symptôme d’une crise profonde d’un modèle économique et social dans un monde devenu trop compliqué, trop bigarré. Comme eux, il est aussi le ferment du déclin. Car il célèbre l’ignorance et courtise la bêtise. Car il attise des ressentiments et des passions qui, de tous temps, ont commencé comme une farce et se sont terminés dans la tragédie.

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