Jeudi prochain lors de sa session plénière mensuelle à Strasbourg, le Parlement européen va aborder en urgence la situation des droits de l’Homme au Vietnam et, en particulier, la liberté d’expression. Une résolution y sera discutée à l’initiative, en effet, de six groupes politiques, de la gauche social-démocrate à la droite populiste.
Ce pays du Sud-est asiatique connaît un durcissement politique qui passe largement inaperçu en dehors de ses frontières. Non seulement parce que l’attention de la presse internationale se porte essentiellement sur des pays asiatiques à plus « haute valeur informative ajoutée », comme la Birmanie, la Chine ou aujourd’hui, la Corée du Nord. Mais aussi parce que le Vietnam se présente comme un « tigre économique », qui s’ouvre aux échanges et aux investissements avec le reste du monde et qui, dès lors, fait figure de pays « engagé sur la bonne voie de la transition et de la modernité ».
Plusieurs rapports d’organisations internationales ont pourtant mis en exergue ces derniers mois le système répressif vietnamien. En septembre dernier, le Comité de protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, New York) a publié une étude intitulée, « La liberté de la presse au Vietnam se rétrécit, en dépit de l’ouverture de l’économie ».
Tous les médias d’information, rappelle ce rapport, sont sous le contrôle de l’Etat et les rédacteurs en chef sont obligatoirement membres du Parti communiste. Des fonctionnaires de la Propagande rencontrent régulièrement les hauts responsables des médias pour leur indiquer la ligne à suivre, les sujets à couvrir et ceux à bannir. Le système est bétonné et rien d’irrévérent ne filtre.
Des médias étrangers sous surveillance
La presse internationale est elle aussi placée sous haute surveillance. Tous les médias étrangers en poste au Vietnam sont obligés d’engager des assistants locaux, leurs visas ne sont octroyés que pour une période de six mois renouvelables et ils doivent demander l’autorisation du ministère des Affaires étrangères s’ils veulent effectuer un reportage en dehors de Hanoï. Quant aux envoyés spéciaux, ils doivent engager un « minder », un assistant approuvé par les autorités, au taux de 200 dollars par jour.
Les autorités se sont surtout attaquées ces derniers mois aux blogueurs indépendants – journalistes, dissidents ou activistes catholiques- , qui couvrent des sujets tabous, comme les conflits fonciers, les relations avec la Chine ou la corruption.
Pendant quelques années, la blogosphère avait été relativement épargnée par la censure et la répression. Mais cette tolérance a pris fin. « Depuis 2009, une campagne de harcèlement et d’intimidation a conduit à l’emprisonnement de dizaines de dissidents politiques, d’activistes religieux et de blogueurs indépendants, écrit Shawn Crispin, auteur du rapport du CPJ, pour la plupart en raison de leur plaidoyer en faveur d’une démocratie multipartite, des droits humains et d’une plus grande reddition de comptes de la part du gouvernement ».
Fin janvier, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH, Paris) a confirmé ces faits dans un rapport publié conjointement avec le Comité Vietnam pour les Droits de l’Homme et intitulé Blogueurs et cyberdissidents derrière les barreaux : mainmise de l’Etat sur Internet
« Le Vietnam est connu pour son économie florissante et ses plages paradisiaques, écrit Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH (et docteure honoris causa de l’Université catholique de Louvain). La liberté d’expression y est bafouée dans l’indifférence de l’opinion internationale. Il s’agit pourtant de l’un des régimes les plus répressifs au monde en la matière. »
Un bilan sombre
« Au cours des 12 derniers mois, note ce rapport, 22 blogueurs et cyberdissidents ont été condamnés à un total de 133 ans de prison et 65 ans de détention préventive pour leur lutte non-violente sur le net. Le 9 janvier 2013, lors d’un même procès, 14 personnes ont été condamnées à un total de 100 ans d’emprisonnement pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression ».
Le Vietnam occupe la 172ème place (sur 179) au palmarès de la liberté de la presse, publié chaque année par Reporters sans frontières, qui le classe également parmi les 12 pays « ennemis d’Internet ».
Selon le décompte de Demdigest, à la mi-février, 32 blogueurs vietnamiens avaient été condamnés ou étaient en attente d’un jugement, la plupart aux termes de l’article 88 du code pénal qui sanctionne la « propagande antiétatique » et prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans. Parmi eux, Dieu Cay (pseudo de Nguyen Van Hay), auteur en 2007 d’un texte sur la démocratie et la liberté d’expression, incarcéré depuis 2008 et condamné en 2012 à 12 ans de prison, suivi de 5 années d’assignation à résidence. Ou encore l’avocat et blogueur Le Quoc Qan, arrêté en décembre dernier “pour fraude fiscale”.
Un enjeu progressiste
Jusqu’ici, la dénonciation des atteintes aux libertés a souvent été le fait d’organisations religieuses ou « de publications conservatrices américaine, le Wall Street Journal, le New York Post ou le New York Sun, notait Dustin Roasa, dans la revue new-yorkaise de centre-gauche, Dissent. Comme si les milieux libéraux et progressistes avaient du mal à critiquer un pays dévasté et profondément meurtri par les interventions française et américaine entre la fin de la Seconde guerre mondiale et la victoire nord-vietnamienne en 1975.
Cette réticence semble changer, cependant, et ceux qui, à gauche, plaident pour une approche critique du Vietnam, rappellent les débats difficiles des années 1970, après la chute de Saigon, et ceux qui avaient entouré le départ des boat people sud-vietnamiens.
« De quel droit critiquez-vous un pays que vous avez napalmisé ?», s’étaient exclamés des militants, lorsque la chanteuse pacifiste Joan Baez et Ginetta Sagan, célèbre résistante italienne active au sein d’Amnesty International USA, avaient condamné les camps de rééducation, la torture, dans le « Vietnam libéré ». « Pour être cohérent, avait répondu Joan Baez. La répression est la répression. Un passage à tabac a le même effet sur un être humain, qu’il soit commis par un socialiste ou un impérialiste ».
Très symboliquement, une des motions pour une Résolution au Parlement européen a été introduite par des membres du Groupe de la Gauche unie européenne/Gauche verte nordique. Formulée en des termes plutôt “modérés”, elle souligne toutefois les manquements du Vietnam et demande en particulier à l’Union européenne de faire de la liberté d’expression et des droits fondamentaux de l’Organisation internationale du travail “une partie essentielle” des discussions entre Bruxelles et Hanoï.
Même si le Groupe de la Gauche unie n’est plus signataire de la motion commune qui sera mise au vote ce jeudi, la “balle est en train de rouler”, comme le veut l’expression anglaise, et le Vietnam ne peut plus espérer échapper totalement au regard critique du monde.
Note: ce blog a été plusieurs fois actualisé au fil de l’évolution de la présentation de la Résolution. La motion commune a reçu l’appui du Parti Populaire Européen (PPE), des Socialistes et Démocrates (S&D), de l’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ADLE), des Verts/Alliance libre européenne, du groupe Conservateurs et réformistes européens (ECR) et du groupe Europe Libertés Démocratie.
Le groupe Gauche Unitaire européenne/Groupe Vert nordique avait aussi présenté une motion, mais il n’a pas signé cette motion commune.
Correction: Dans une version précédente de ce blog, à la suite d’une erreur d’éditing, nous avions présenté incorrectement et pendant un court moment cette motion comme la motion de base de la Résolution devant être soumise au vote.
Une surveillance pour les droits de l’homme, oui et mille fois oui.
Mais je voudrais mettre en garde sur ce discours aux allures alarmistes ; il est toujours plus facile de s’insurger sur un constat papier de faits rapportés sans prendre en compte un ensemble de paramètres formant un contexte. Le Vietnam se relève de deux guerres successives (sur son territoire, nous ne mentionnons même pas les épisodes au Cambodge…) qui se sont terminée en 1975. Il y a donc 38 ans. En 38 ans, il s’est reconstruit économiquement, a partiellement rebâti ses villes (les traces de la guerre sont encore concrètement visibles un peu partout dans le pays), a adopté un gouvernement, a ouvert ses frontières aux commerces, au tourisme, etc. Comparons-le à son homologue chinois (homologue parce qu’il s’agit également d’un gouvernement socialiste), il s’inscrit beaucoup plus dans un processus qui tend vers une démocratie qu’une dictature. Objectivement, le Vietnam est en bonne voie, des changements sont à faire et j’ai l’espoir (peut-être naïf) qu’ils seront faits. Combien de temps cela nous a t’il pris en occident ?
Pouvons-nous vraiment considérer notre démocratie comme un modèle absolu à imposer (parce qu’il s’agit bien de cela au fond) quand nous voyons une remontée fulgurante de l’extrême droite en Grèce, en Autriche ?Quand nos banques nous imposent la démocratie dans laquelle nous devons vivre ?
Toute mesure gardée, au Vietnam, ce n’est pas folichon non plus ! Il y a surement des auteurs de blogs injustement enfermés après des simulacres de procès, mais dans le lot se trouve également les gourous incitant à la haine religieuse et raciale (je défend quiconque d’y voir une seule allusion à une religion quelle qu’elle soit, je désigne globalement un ensemble), les radicaux et autres énergumènes que nous laissons gangrener d’idées et d’actes en occident passant outre tous les chapitres de la charte des droits de l’homme.
Mon intervention ne veut dire qu’une chose, faisons attention à ne pas approuver en liesse populaire (une fois encore) des actions interventionnistes jouant avec une presque’diabolisation d’un système aux avis contres, mais aussi pours.
Ping : La liberté d’expression au Vietnam, sous la loupe du Parlement européen | Je sais donc je suis...
Le Vietnam est actuellement entré dans le processus de démantèlement d’un régime totalitaire et dictatorial vers la démocratie. Les arrestations faisaient rage en 2012 et continue en 2013. C’est le dernier soubresaut d’un régime qui touche à sa fin.
C’est vrai que les médias européens n’attachent guère beaucoup d’importance à ce pays qui n’a pas une “haute valeur informative ajoutée”, comme l’a bien souligné Mr Marthoz . Il parait que les immolations des personnes n’intéressent plus grand monde.
Le régime totalitaire du Vietnam profite de la crise en Europe, de la crise au Moyen-Orient, la Syrie incluse, pour nettoyer ses “écuries”. Heureusement, que RSF, FIDH et autre organismes non gouvernementaux sont là pour rappeler au monde que ce régime communiste que l’Europe dans les années 60 a pour une grande part soutenu est un pays totalitaire qui continue de bafouer les droits fondamentaux de l’homme.
Les souffrances des Vietnamiens ont assez duré. Il est temps que l’Europe ne soutienne plus ce régime et continue de signer des contrats commerciaux avec ce régime.
Mon père, ancien officier de l’armée sud-vietnamienne (il est pistonné “officier” comme tous ses frères grâce aux relations de mon grand-père, riche propriétaire terrien) râle toujours. Pour lui, le communiste vietnamien c’est le pire régime tyranique au monde, c’est le diable et le mal absolue. Il rêve encore revenir “libérer” le pays.
Non mais, vous voyez l’image de mon père, ancien collabo sudiste qui n’a jamais connu de champ de bataille grâce au status d’officier bidon, ramener la “démocratie” au Viet-nam. Mon mais, imaginez un tas de vieux râleurs comme lui. Tout ce qu’ils peuvent construire serait un régime, au mieux à la Ferdinan-Marcos, au pire à la Pinochet.
Ping : Nghị viện Châu Âu trước cơ hội chất vấn Việt Nam | Defend the Defenders
Ping : European Parliament has chance to take on Vietnam | Defend the Defenders
L’Europe s’inquiète de la liberté d’expression au Vietnam, bien, très bien, et vous en tant que journaliste, vous contribuez à cet enfumage des citoyens Européens nous donnant à pensez que chez nous tout est merveilleux et beau. Parlez nous donc de ce que l’Europe est en train de mettre en place pour la surveillance des citoyens, parlez nous donc de INDECT, au lieu de balayer devant la porte des autres. C’est plus facile de montrer ce qu’il se passe ailleur et moins dangereux que de mettre les mains dans la merde chez soi.
Voici un texte sur les défaillances européennes en matière de liberté de la presse http://cpj.org/2012/02/attacks-on-the-press-in-2011-europe-a-leader-that.php
On ne peut excuser le comportement d’un pays en évoquant les fautes d’un autre pays
bien à vous
J’ai lu votre article dans le CPJ, très intérrèssant et confirmant ce que je pensait déjà. J’ai donc cherché dans les archives de votre blog, archive en 2011 jusqu’au 02/2012 et je n’ai rien trouvé d’équivalent. C’est dommage car sur le site du CPJ vous y dressiez une réelle cartographie de la liberté d’expression dans les différents pays Européens. Je n’ai trouvé dans votre blog qu’un petit article, très très édulcoré : Liberté de la presse: l’Europe a un rôle à jouer Publié le 3 mai 2011 par jean-paulmarthoz
donc ma question est : pourquoi n’avez vous pas publié sur votre blog, votre article publié sur le site CPJ. Subissez vous des pression ?……
Merci de votre mail et pour vos remarques. Non je ne subis pas de pression mais il est vrai que mon blog en français parle rarement de journalisme et couvre davantage la politique internationale. Je travaille surtout sur cette question de la liberté de la presse pour le CPJ ou pour mon blog http://www.humanrightsmediaproject.org J’ai rédigé par contre plusieurs chroniques qui évoquent la loi des médias en Hongrie ou l’affaire Murdoch News of the World. Cordialement
Je remercie Mr. Nguyen Gia Thuong, qui a parlé pour moi et tant d’autres personnes qui sont en train de vivre sous la pression quotidienne. Une pression continuelle sur le gouvernement de Hanoi sera un moyen pour faire changer ce regime totalitaire.
Enseignant de mathématiques à l’Universite Polytechnique d’Hochiminhville, j’ai passé 17 mois de prison pour avoir écrit et publié des articles en faveur de la démocratie. Libéré depuis un an, je purge encore 3 ans de consignation à domicile. Je sais de quoi je parle et pouquoi j’apprécie les idées de Mr Nguyen Gia Thuong.
Cet Etat d’Asie du Sud Est, le Viêt Nam, demeure une grande préoccupation pour le Comité des Ecrivains en prison de PEN International. Parce qu’il continue à réprimer le droit à la liberté d‘expression, en appliquant des articles liberticides de son Code pénal, en particulier l’article 88 ‘’Propagande contre l’Etat socialiste’’ prévoyant des peines maximales de 20 ans de prison. La presse écrite, les médias audiovisuels, Internet et les maisons d’édition sont sous le strict contrôle de l’Etat et soumis à une censure sévère. Il y a une restriction flagrante à la liberté de chercher, de recevoir et de transmettre des informations, notamment celles relatives à la responsabilité des violations des droits de l’homme, à la corruption et à l’injustice sociale. Plusieurs écrivains, journalistes, blogueurs et défenseurs des droits de l’homme sont victimes d’agression physique, d’arrestation illégale, de brutalité policière et de torture, de longue détention préventive, de procès inéquitable et de lourdes peines de prison. Citons pour exemple : Nguyên Van Ly, prêtre et rédacteur de la revue clandestine Liberté d’Opinion (8 ans de prison). En novembre 2009, une hémorragie méningée l’a paralysé du côté droit. Craignant qu’il ne succombe à une autre hémorragie méningée, la police de la Sécurité Publique l’a transféré à la ville de Hue en mars 2010. Il a été placé pour 12 mois sous contrôle de la police, afin de recevoir des soins avant de retourner au camp; Le 25 juillet 2011, une ambulance de la police l’a ramené au camp pour purger le reste de sa peine jusqu’en 2015 alors qu’il souffre encore d’une paralysie partielle et d’une inflammation de la prostate qui pourrait être un cancer. Ou encore, Nguyên Huu Câu, poète presque aveugle en très mauvaise santé (peine de mort commuée en prison à vie depuis 1985 ; Diêu Cày, journaliste (12 ans de prison) , etc. Dans les camps de travaux forcés, les prisonniers qui refusent de plaider coupable ou se livrent à une grève de la faim pour protester contre les conditions de détention inhumaines sont maintenus à l’isolement et/ou au secret. Les prisonniers gravement malades se voient refuser leur droit de recevoir un traitement médical adéquat et de visites de famille. Certains ont été attaqués par les détenus de droit commun. Les prisonniers relâchés après avoir purgé leur peine de prison sont placés en résidence surveillée dans le cadre de la détention probatoire jusqu’à 5 ans.
Pour la première fois de son histoire, le Viêt Nam a vécu une tragédie humaine sans précédente. Mme Dang Thi Kim Liêng (64 ans), mère de Ta Phong Tân, journaliste-blogueuse, était décédée le 30 juillet 2012 après s’être immolée par le feu pour protester contre la détention arbitraire de sa fille depuis septembre 2011. En dépit de la mort de sa mère, Ta Phong Tân était condamnée le 24 septembre à 10 ans de prison et 5 ans de détention probatoire pour ‘’propagande contre l’Etat socialiste’’. Cette lourde peine injuste et inhumaine était requise malgré les protestations et les appels de Mme Navi Pillay, Haute Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme et Mme Catherine Ashton, Haute Représentante de l’Union Européenne pour les Affaires étrangères en faveur de sa libération inconditionnelle et immédiate.
Encore une autre parodie de justice: le 30 octobre 2012, Trân Vu Anh Binh et Viêt Khang, deux jeunes auteurs-compositeurs et blogueurs, ont été condamnés à 6 ans et 4 ans d’emprisonnement pour avoir diffusé leurs chansons sur internet. Croupissant dans les cellules d’isolement de l’univers concentrationnaire de cet Etat membre de la Francophonie, les poètes et écrivains vietnamiens n’ont pas le droit de chanter la Liberté de Paul Eluard, l’Espoir d’André Malraux, les Eloges – Exil, Pluies, Neiges, Vents de Saint-John Perse. Pourtant, on a appris ces jours-ci que le représentant de Hanôi avait déposé sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU pour le mandat 2014-2016.
laissez les viets tranquilles ; les occidentaux ne sont pas qualifiés pour parler des droits de l’homme; l’occidental est la pire espèce de malfaisant sur terre , il suffit de regarder: qui fait les guerres sinon l ‘OTAN : des guerres totalement injustifiées et illégales…le génocide sur les civils vietnamiens causé par les troupes américaines , ces organismes les dénoncent quand ? quand y aura t il un tribunal de Nuremberg pour les dignitaires yankees ?
SOMMET DE LA FRANCOPHONIE À DAKAR – N’OUBLIONS PAS DES ECRIVAINS ET JOURNALISTES RÉDUITS AU SILENCE AU VIÊT NAM
ET DANS D’AUTRES ETATS FRANCOPHONES.
”Femmes et jeunes en Francophonie, vecteurs de paix, acteurs de développement », c’était le Thème du Sommet de la Francophonie à Dakar 2014. Le nombre de femmes et de jeunes ne cesse d’augmenter dans la communauté des gens de plume et des professionnels de l’information. Or, avant la clôture du Sommet, il est grand temps de porter d’urgence à la connaissance de l’opinion publique francophone les tristes informations suivantes : De nombreux écrivains et journalistes sont réduits au silence. Ne les oublions pas. Ils et elles sont devenus des otages partout dans le monde. Même un Etat membre de la Francophonie en Asie-Pacifique sans scrupules utilise des écrivains et journalistes injustement emprisonnés comme monnaie d’échange.
Au Mexique, ce mois de novembre, chaque jour est le Jour des Morts. Ensuite, le 15 novembre, c’était la Journée de l’Ecrivain emprisonné et le 23 novembre, la Journée contre l’Impunité. En célébrant ces événements majeurs de novembre, pendant le 15è Sommet de la Francophonie à Dakar, nous vous invitons à lire le texte suivant, intitulé :
‘’ Ecrivains et Journalistes réduits au silence. Ne les oublions pas ! ” Nous sommes tous conscients du danger que l’impunité pour les crimes contre les écrivains et les journalistes représente pour la liberté, la démocratie et la paix. Au Mexique, ce mois de novembre, chaque jour est le Jour des Morts. La récente tragédie des étudiants disparus nous rappelle que là-bas et partout ailleurs dans le monde, nos écrivains et journalistes deviennent des otages. Souvenons-nous que le 15 novembre, c’est la Journée de l’Ecrivain emprisonné, et le 23 novembre, la Journée contre l’Impunité. Nos écrivains et journalistes, porteurs de rêves et d’aventures, témoins des réalités humaines, ont été agressés, torturés, emprisonnés, portés disparus ou contraints à l’exil à cause de leurs écrits ou leurs paroles. Le Comité de PEN International des écrivains en prison a recensé plusieurs centaines de cas d’attaques pendant les 12 derniers mois. Des centaines de prisonniers croupissent dans les camps de travail forcé. Ultime forme de censure: tuer l’auteur dont les mots dérangent. Une trentaine d’assassinats ont été révélés: Désiré OUÉE (Côte d’Ivoire), Adel Mohsen HUSSEIN, Kawa Ahmed GERMYANI et Samira Saleh AL-NAIMI (Irak), Miguel Ángel GUZMÁN GARDUÑO, Jorge TORRES PALACIOS, Octavio ROJAS HERNÁNDEZ, Abdul Rasool KHATTAK, Irshad MASTOI, Víctor PÉREZ PÉREZ, Jesús Antonio GAMBOA URÍAS et María del Rosario FUENTES RUBIO (Mexique), Abrar TANOLI, Abdul Rasool KHATTAK, Irshad MASTOI et Nadeem HYDER (Pakistan), Rubylita GARCIA (Philippines), Sai REDDY (Inde), Suon CHAN (Cambodge), Kamol DUANGPHASUK (Thaïlande), Timur KUASHEV (Russie), Vyacheslav VEREMYI (Ukraine), Isaiah Diing Abraham Chan AWUOL (Soudan Sud), Hashem SHAABANI (Iran), Mo’az AL-KHALED (Syrie), Sardar AHMAD et Palwasha Tokhi MERANZAI (Afghanistan), Mayada ASHRAF (Egypte), Pablo MEDINA VELÁZQUEZ (Paraguay), Aung Kyaw NAING (Birmanie), Meftah BOUZID (Libye), Pedro PALM (Brésil). Célébrant ces événements de novembre, PEN International porte son regard sur 5 situations représentatives de la répression sans frontières: Gao YU, journaliste et professeur, disparue le 23 avril 2014 (Chine), Azimjon ASKAROV, journaliste ouzbèk, prison à perpétuité en juin 2010 (Kirghizistan), Mahvash SABET, poète et professeur, 20 ans de prison en juin 2010 (Iran), Dieudonné Enoh MEYOMESSE, poète, 7 ans de prison en décembre 2012 (Cameroun) et Nelson AGUILERA, écrivain et professeur, 30 mois de prison en novembre 2014 (Paraguay). En octobre dernier, le Congrès du PEN International à Bichkek, en Kirghizistan, a exprimé ses profondes inquiétudes face à la situation dégradante de la liberté d’expression et d’opinion en Russie, en Ukraine, à Cuba, au Mexique, en Chine, au Tibet, en Xinjiang, en Ethiopie, en Iran, en Turquie, au Honduras, en Syrie, en Corée du Nord, au Kirghizistan, en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, en Azerbaidjan, en Erythrée et au Viêt Nam.
Dans ce dernier pays, le Viêt Nam, plusieurs écrivains, journalistes, blogueurs, avocats et défenseurs des droits humains ont été condamnés à de lourdes peines de prison, suite à des procès inéquitables. Les plupart de ces prisonniers sont en très mauvaise santé. Les cas que nous trouvons particulièrement préoccupants comprennent, parmi tant d’autres : 1.- Hô Thi Bich Khuong, blogueuse, défenseur des droits de l’homme et auteure d’un mémoire en prison, de poèmes satiriques et d’articles en ligne. Interviewée par une radio étrangère, elle a dénoncé les abus de pouvoir à l’encontre de paysannes pauvres. Elle a été arrêtée en décembre 2010 et condamnée en décembre 2011 à 5 ans de prison et 3 ans de détention probatoire, après avoir purgé deux peines de prison en 2005 et 2007. Elle avait auparavant été violemment agressée et soumise à de brèves détentions. En prison, elle a été torturée et sévèrement tabassée par des détenues de droit commun. D’autres agresseurs lui ont fracturé le bras gauche au cours de la détention précédant le jugement. Elle est tenue à l’isolement et en très mauvaise santé; 2.- Ta Phong Tân, blogueuse prolifique, juriste, membre du Club des Journalistes Libres banni. Elle a été arrêtée en septembre 2011 et condamnée en septembre 2012 à 10 ans de prison et 3 ans de détention probatoire. Elle est l’auteure de plus de 700 articles sur la corruption, les abus de pouvoir, les confiscations arbitraires de terres et la maltraitance d’enfants. Ses écrits sur le blog ont été les plus lus dans de nombreux médias importants et de services de diffusion étrangers. Depuis 2008, elle a été brutalement harcelée et brièvement détenue bien des fois. Le 30 juillet 2012, sa mère est décédée après s’être immolée pour protester contre la détention arbitraire de sa fille. Elle se trouve en très mauvaise santé.
Par ailleurs, le régime de Hanoi sans scrupules utilise des écrivains et journalistes emprisonnés comme monnaie d’échange. Contre la signature d’éventuels contrats lui permettant surtout d’acheter des armes de guerre jusque-là interdits. Il relâche les prisonniers de conscience malades, au compte-goutte et les contraint à l’exil à l’étranger immédiatement. Leurs peines sont suspendues mais non pas annulées.
Exprimons donc notre indignation, écrivons notre solidarité avec les gens de plume et les professionnels de l’information contre l’ombre du menace, de la complicité et de la complaisance. Elevons notre voix, même brisée, pour allumer une bougie, si fragile soit-elle, contre la nuit glaciale de l’indifférence, du silence et de l’oubli.
Nguyên Hoàng Bao Viêt
Vice président du Centre Suisse Romand de PEN International (Comité des Ecrivains en Prison).
Distribution à Dakar le 29 novembre 2014.