Le gouvernement azéri croyait tout pouvoir contrôler afin de faire du Concours européen de la chanson, fin mai, un levier de sa notoriété et de sa respectabilité internationales. Mais à quelques semaines de « Bakou 2012 », l’UNESCO est venue compliquer les plans de communication de l’Azerbaïdjan.
Hier, en effet, c’est un journaliste azerbaïdjanais, Eynulla Fatullayev, qui a reçu le prestigieux prix UNESCO/Guillermo Cano pour la liberté de la presse. Eynulla Fatullayev avait été condamné en 2007 à huit ans de prison sur base d’accusations fabriquées, dont celles de terrorisme et de possession de drogue. En réalité, selon les organisations de défense de la liberté de la presse, le régime voulait le « discipliner » en raison de son enquête dérangeante sur l’assassinat en 2005 du journaliste Elmar Huseynov.
Après une mobilisation internationale et la condamnation de son emprisonnement par la Cour européenne des droits de l’Homme, Eynulla Fatullayev avait été libéré l’année dernière. Et son nom avait immédiatement figuré sur la liste des lauréats potentiels du Prix de l’UNESCO.
En récompensant un journaliste pour son courage et son engagement en faveur de la liberté d’expression, l’UNESCO condamne en corollaire le pays qui le harcèle. La liste des lauréats précédents offre d’ailleurs un véritable tour du monde des régimes autoritaires, d’Anna Politkovskaïa (assassinée à Moscou en 2006) à Omar Belhouchet, directeur du quotidien algérien El Watan ou encore à Juan Pablo Cardenas, directeur de la revue Analisis à l’époque de la dictature du général Pinochet.
Le défi de l’Eurovision
Ce choix de l’UNESCO remet la pression sur le gouvernement azéri, mais aussi sur l’Union européenne de Radio-Télévision, organisatrice du concours de l’Eurovision. Embarrassée par les critiques lancées contre le pays hôte par les associations de défense des droits de l’Homme, elle continue d’insister sur le caractère a-politique de l’événement artistique. Certes, mais les événements a-politiques ne peuvent vraiment exister que dans les pays où règne la liberté.
Le 3 mai, lors de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse organisée sous l’égide de l’UNESCO à Tunis, l’Azerbaïdjan sera à l’honneur, car c’est ce jour-là que la directrice générale de l’UNESCO remettra officiellement le prix au lauréat. En fait, c’est un certain Azerbaïdjan qui sera à l’honneur, celui des militants des droits de l’Homme et des journalistes indépendants, qui se réclament de la Convention européenne des droits de l’Homme que leur pays a signée. Et qui espèrent aujourd’hui encore que le concours de l’Eurovision ouvre un réel processus de libéralisation et de décrispation dans un pays pétrolier en pleine croissance économique. Or, en dépit de l’Eurovision, en dépit de cette croissance, c’est la répression, comme le notent le Comité de Protection des Journalistes, Amnesty ou Human Rights Watch, qui est encore à l’ordre du jour.