De Guernica à Sarajevo, de Grozny à Homs, il y a toujours eu des gens pour trouver des excuses aux bombardements aveugles, aux exécutions sommaires, aux tirs indiscriminés contre des populations civiles.
« C’étaient des communistes, ou des séparatistes, ou des islamistes ». Leurs enfants méritaient donc d’être déchiquetés, amputés, leurs femmes pouvaient être affamée ou violées. Coupables, tous coupables. Massacrez-les tous. Dieu reconnaîtra les siens.
Il y aura toujours des gens aussi pour se dire qu’on ne peut rien faire. Intervenir en Syrie ? Impossible dans le cadre des Nations unies où la Russie et la Chine imposent leur droit de veto, nous disent-ils, impossible hors du cadre des Nations unies, tant les risques sont immenses ! Et le débat est clos comme si la communauté internationale ne pouvait pas imaginer d’autres moyens de coercition que des frappes militaires.
Que faire ? Hier, le témoignage de Paul Conroy, le photojournaliste britannique, blessé à Homs et aujourd’hui hospitalisé en Angleterre, a mis le doigt dans la plaie. « Le bombardement de Homs sera comparé, dans les livres d’histoire, aux massacres du Rwanda et de Srebrenica, s’est-il exclamé. Ce n’est pas une guerre qui fait rage à Homs. Le bombardement du quartier de Baba Amr est indiscriminé. Il n’y a pas d’objectifs militaires. Il s’agit d’un massacre systématique d’une population civile ».
« La dernière phase du conflit ne sera pas télévisée », a ajouté le journaliste, « mais elle aura lieu. Des femmes, des enfants, des vieillards, des jeunes mourront et, dans dix ans, on fera une enquête et les gens diront : mais comment tout cela a-t-il pu se passer ? ».
Dix minutes pour la Syrie
Lors du sommet de Bruxelles, la semaine dernière, les chefs de gouvernement européens n’ont consacré qu’une dizaine de minutes à la situation syrienne, alors que certains d’entre eux, comme Nicolas Sarkozy, en parlent comme si ce sujet méritait toutes les urgences.
Pendant ce temps-là, le Comité international de la Croix rouge n’a toujours pas été autorisé à entrer dans le quartier dévasté.
En 1937, la petite ville de Guernica, symbole des libertés basques, fut victime de l’un des massacres les plus odieux de la guerre civile espagnole, perpétré par la Légion Condor, une escadrille de la Luftwaffe nazie.
Aujourd’hui exposée au Musée Reina Sofia de Madrid, la toile de Picasso qui immortalise ce moment de barbarie « subit les outrages du temps », écrivait récemment une agence de presse. Face aux massacres de Homs, elle subit aussi les outrages d’une actualité tragique qui n’en finit pas de répéter ce que Picasso prétendait dénoncer.
“Et le débat est clos comme si la communauté internationale ne pouvait pas imaginer d’autres moyens de coercition que des frappes militaires.” Quels autres moyens ? Le vrai débat est là. Le reste n’est que verbiages.
Dans une guerre, il y a toujours au moins deux camps. Et on ne peut, bien souvent ne remettre la responsabilité que sur un seul. En Syrie, en Libye, en Yougoslavie, en Côte d’Ivoir…il n’y a pas qu’un camp qui a tué des civils. Les morts civils des populations jugées proches du gouvernement en Syrie, en Libye, non nordiste musulmane en Côte d’Ivoir, Serbe et roms en ex-Yougoslavie sont aussi condamnables que les autres. Il n’y a qu’une option pacifiste : refuser de se mettre dans un camp, quel soit il et appuyer des négociations (sans se mettre pour un camp contre l’autre). Choisir un camp, c’est toujours choisir la guerre, choisir les morts, quel soient-ils.