Libye: les contorsions de la Chine

La guerre en Libye a donné des sueurs froides aux pays membres de l’OTAN qui avaient pensé que le régime Kadhadi s’effondrerait bien plus vite. Mais l’ « autre » grande puissance, la Chine, a elle aussi eu beaucoup de mal à calibrer sa politique.

Très hostile au « droit d’ingérence », soucieuse également d’avancer ses pions sur la scène internationale, en premier lieu dans les pays producteurs de pétrole, attentive à la position des pays africains dont elle courtise la sympathie, la diplomatie chinoise a tenté de jouer sur « les deux côtés de la rue ».

Si elle n’a pas opposé son véto à la Résolution des Nations Unies autorisant l’intervention, elle ne s’est pas impliquée dans sa mise en œuvre, choisissant de « sentir d’ou viendrait le vent ».

Pékin, comme le souligne Andrew Higgins dans un article du Washington Post, n’a pas entretenu de relations étroites avec le colonel Kadhafi. Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas gêné à plusieurs reprises de rabrouer la Chine, en indexant en particulier son comportement « colonial » en Afrique.

Mais la Chine refusait de se laisser exclure d’un pays pétrolier comme la Libye, en raison non seulement de ses immenses besoins énergétiques mais aussi de sa volonté croissante d’assumer les responsabilités d’une « puissance globale », empressée d’être présente « là où ça se passe ».

Aujourd’hui, Pékin cherche à se rapprocher des rebelles afin de protéger ses investissements pétroliers et de ne pas se laisser marginaliser par des pays, comme la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui ont activement soutenu la rébellion.

Si elle n’a pas à ce jour reconnu le Conseil national de transition, elle a accueilli son président, Mahmoud Jibril, à Pékin et elle a clairement et sans état d’âme abandonné Kadhafi.

La Chine avait été confrontée aux mêmes dilemmes à propos du Soudan. Lors de la crise du Darfour (une contre-insurrection brutale, menée par l’armée soudanaise et ses supplétifs contre des groupes rebelles, qui avait débouché sur des centaines de milliers de victimes et sur des accusations de crimes contre l’humanité et de génocide), elle était apparue comme l’un des plus importants partenaires économiques et alliés diplomatiques du régime de Khartoum. A tel point que la campagne Save Darfur avait qualifié les Jeux olympiques de Pékin de « J.O. du génocide».

Pékin avait tenté de se défaire de cette image qui entachait sa volonté de se présenter comme une « puissance affable », notamment en Afrique. L’indépendance du Sud-Soudan, au début de l’année, l’a forcé à réviser sa politique. En veillant à tisser des liens avec la nouvelle nation, issue d’une rébellion contre le pouvoir central, elle est amenée inévitablement à prendre ses distances par rapport au régime de Khartoum.

Comme ses rivaux occidentaux, la Chine est aujourd’hui au cœur des confusions du monde, assaillie par les contradictions, forcée aux révisions et aux changements de cap.

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