Le “deal” d’Obama: la grande déception des “libéraux” américains

EPAIl y a longtemps déjà que la gauche américaine avait fait son deuil des promesses de changements du candidat Obama. Dès les premières semaines de son mandat, avec la nomination de personnes issues des milieux financiers à des postes clés de la politique économique, ils s’étaient résignés à oublier le rêve, furtivement évoqué, d’une présidence « transformationnelle », inspirée des grandes réformes adoptées dans les années 1930 par le président démocrate Franklin Delano Roosevelt pour lutter contre la crise et brider les spéculateurs et les “ploutocrates”.

Cette fois-ci, avec le « deal » sur la dette, Barack Obama perdu l’establishment « libéral » américain, ce centre-gauche moderniste et modéré qui avait cru à sa volonté de discipliner les praticiens les plus débridés de l’économie casino et de tenir tête aux agitateurs du Tea Party, représentants crispés du national-populisme à l’américaine.

Le verdict est glacial : « Obama est peut-être le président mais c’est le Tea Party qui dirige à Washington, écrit Peter Beinart, l’une des plumes les plus brillantes du pays. Les rêves de réforme progressiste sont morts et pour de longues années ». « Obama concède sur tout », renchérit Michael Tomasky, directeur de la revue de réflexion Democracy et un penseur très écouté au sein du Parti démocrate. « Il est difficile d’exagérer l’étendue de la capitulation du Président face à la droite. Le conservatisme sera la force motrice de la politique américaine pour les années à venir ».

Il est difficile dans le cadre d’un blog d’analyser les multiples raisons qui ont conduit Barack Obama à offrir à ses adversaires une victoire aussi éclatante. Bien sûr, le défi que devait relever le Président était d’une rare gravité et l’on peut comprendre qu’il ait craint de déstabiliser le pays en prenant le risque d’un blocage total du système, une option envisagée sans le moindre état d’âme par ses adversaires les plus résolus au sein du Parti républicain.

Toutefois, comme l’écrit Luis Lema dans l’éditorial du Soir, le président s’est laissé piéger par les populistes du Tea Party, qui ont réussi à capter l’immense frustration suscitée par la crise financière de 2008 et à la dévier vers une « politique de la hargne et du ressentiment » qui bénéficie essentiellement aux « plus riches parmi les riches » et disculpe totalement ceux qui sont à l’origine de la situation économique déplorable dans laquelle se retrouvent les Etats-Unis.

Politiquement, Obama a pris un risque énorme en lâchant une partie de son parti, qui plaidait pour une augmentation des impôts sur les milliardaires et sur les méga-bénéfices des grandes entreprises, en particulier des banques. Les électeurs noirs et hispaniques, les syndicats, les cercles libéraux, risquent de ne pas se mobiliser pour assurer sa réélection car Barack Obama n’a pas osé défendre leurs intérêts les plus essentiels.

Une étude toute récente aide à faire comprendre l’enjeu social au sein du débat politique américain. Selon le très sérieux Pew Research Center, le fossé entre les blancs et les minorités n’a jamais été aussi profond. Alors que Barack Obama, « le premier président noir des Etats-Unis », semblait annoncer une politique de réformes à même de réduire les disparités sociales les plus outrageantes et les plus débilitantes, cette étude établit qu’entre 2005 et 2009, en raison principalement de la crise des subprimes, la valeur nette des foyers hispaniques a chuté de 66% et celle des Africains-américains de 53%, tandis que celui des foyers blancs a diminué « seulement » de 16%. « Le capital moyen net d’une famille blanche (113.149 dollars), note ce rapport, est 20 fois plus élevé que celui d’une famille noire (5.677 dollars) et 18 fois plus que celui d’une famille hispanique (6.325 dollars)».

Frank Rich, l’un des plus célèbres chroniqueurs américains, qui fut en 2008 très favorable à Barack Obama, ne cache plus sa déception ni son désarroi voire sa colère : « On n’a demandé de comptes à personne pour la cupidité et les mauvaises actions qui ont précipité l’Amérique dans sa pire crise financière depuis la Grande Dépression. Ceux qui ont commis le plus de dégâts n’ont eu aucun compte à rendre du point de vue juridique, moral ou financier, écrit-il dans New York Magazine. « Le gouvernement Obama a arrêté l’année dernière 393.000 immigrés clandestins, mais pas un seul banquier ».

Après être entré dans la logique de ses adversaires, Obama pourra-t-il d’une autre main donner des gages à ces milieux “libéraux” et à ces minorités défavorisées qui avaient garanti son élection en 2008 ? Peu d’observateurs y croient encore: la politique d’austérité – sans accroissement des impôts- qu’il vient d’accepter a tellement réduit sa marge de manoeuvre qu’elle rend peu envisageable l’adoption de politiques à même de corriger les inégalités croissantes qui rongent le contrat social américain.

Ce contenu a été publié dans Analyse, Etats-Unis, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

11 réponses à Le “deal” d’Obama: la grande déception des “libéraux” américains

  1. Bravoiban dit :

    Contrat social américain hum hum…

  2. Jean-Louis Leroy dit :

    Extrait du “Contract from America” (http://en.wikipedia.org/wiki/Contract_from_America), c-à-d- la plate-forme du Tea Party: Interdire au pouvoir législatif d’outrepasser les limites qui lui sont fixées par la Constitution // Un budget fédéral à l’équilibre // Une simplification des lois fiscales // Faire un audit des agences fédérales (CIA, FBI…) du point de vue de leur constitutionalité et des gaspillages // Limiter la croissance annuelle des dépenses du gouvernement fédéral. Qu’on me dise ce qui est populiste ou extrémiste dans tout ça ? Prendre la Constitution au sérieux peut-être ? Quant aux événements récents, bien des soiristes (des éditorialistes aux forumeurs) reprochent aux USA leur endettement mais critiquent les représentants du Tea Party qui veulent empêcher d’augmenter encore cette dette. Allez comprendre…

    • James dit :

      Mr Leroy, votre commentaire est excellent car en effet, il n’y a rien d’extreme dans le Tea Party. The Tea Party est rendu demoniaque a tort, par les liberaux de l’extreme gauche americaine. En fait, ce Tea Party est compose de membres de gauche, de droite et d’independents et son seul souci est de retablir l’economie et une bonne fiscalite. The probleme avec la gauche americaine est qu’elle souhaite detruire le capitalisme pour creer un etat de citoyens dependants ”Nanny State” et un gouvernement tentaculaire (socialiste) qui a prouve son echec total en Europe socialiste. Il est bon de lire des personnes comme vous qui ont l’intelligence de contester et de savoir ou est la verite parmi les ideologies de pacotille.

  3. Degeneve dit :

    Un peu simple pour ces libéraux de venir pleurnicher alors que le mal est fait. On ne les a guère vu soutenir Obama au cours des deux dernières années alors que c’était le moment de faire entendre leur voix nettement plus fort que ce qu’on a entendu.

    Alors qu’au début de la législature, les démocrates avaient la majorité au Congrès, ils ont chichement mesuré leur soutien à Obama. La perte de la majorité démocrate à la chambre rend désormais la position de ce dernier ingérable.

  4. Thomas dit :

    La perte de la majorité démocrate à la chambre est au moins autant la faute de Barak Obama que du manque de soutien de ceux qui l’ont élu. Force est de constater que son action annoncée comme salvatrice (quel politien ne le ferait pas ?) est beaucoup plus limitée que prévu.
    Personnelement je suis ravi qu’il ait été élu mais je suis très déçu (de ma perception européenne) de son action. Ne prenons que le conflit israelo palestinien, il n’a pas été capable de faire fléchir Israel d’un iota de leur position….

  5. alainbo dit :

    Degeneve a totalement raison.
    Venir pleurnicher maintenant est pathétique !

  6. Victor Vivallo dit :

    Vraiment un président incapable, il arrive au pouvoir pour faire des changement politiques importants, mais il n avait aucun projet sérieux, c’ est triste pour avoir confié en lui. Il avait envie du pouvoir, pour le pouvoir, comme signe d une reconnaissance social, triste histoire, que coute cher au monde.

  7. Demincourt dit :

    http://spread-the-truth777.blogspot.com/2011/07/dennis-kucinich-denonce-le-systeme-de.html ou encore : http://spread-the-truth777.blogspot.com/2011/07/dennis-kucinich-denonce-le-systeme-de.html
    Ici ou aux USA, les élus se moquent des citoyens en les ponctionnant jusqu’à la moelle pour enrichir leurs potes (qui leur retournent probablement l’ascenseur !)

  8. Le Vince dit :

    Le verdict est glacial : « Obama est peut-être le président mais c’est le Tea Party qui dirige à Washington. Les rêves de réforme progressiste sont morts et pour de longues années ». « Obama concède sur tout ». « Il est difficile d’exagérer l’étendue de la capitulation du Président face à la droite. Le conservatisme sera la force motrice de la politique américaine pour les années à venir », écrit Peter Beinart, l’une des plumes les plus brillantes du pays.

    Waouw la plume brillante du pays! Quel commentaire original et fabuleux …

  9. grabal dit :

    c’est très intonant de voir l’envie spoliatrice partout surtout quand on sait que plus il y a d’impôt moins il y a d’emploi; et surtout la bonne gestion de nos dirigants; à combien est notre ratio dette/pib? et les futurs engagements financiers de notre pays (retraite entre autre). A quand un tea party en belgique? on en a vraiment besoin et d’urgence, avant qu’il ne soit trop tard.

  10. James dit :

    Les radicaux de gauche americains des annees 60 sont sans doute decus.
    Le peuple americain lui avait vote pour le changement, mais certainement pas pour la destruction du capitalisme et la banqueroute de leur pays. Les commentaires lus sur le Tea Party sont choquants: Voici un mouvement populaire qui se revolte avec courage et raison contre l’administration dysfonctionnelle, catastrophique et intentionellement destructive d’Obama. Ce president semble rever de socialisme alors que ce systeme politique n’a jamais reussi; Si en fait, il a reussi a creer des peuples dependant du gouvernement ! ou alors quelque chose de beaucoup plus sinistre: la destruction de L’Amerique avec ses valeurs judeo-chretiennes et le monde tel qu’on le connait…. pour laisser la voie a un ” nouveau ordre mondial” semble t-il communiste, alors que ce systeme politique rate a ete abandonne par la Russie et la Chine. Il aurait fallu des Tea Party de partout au lieu de sombrer dans la betise de l’utopie

Répondre à Thomas Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *