Mladic: les pitreries indécentes d’un criminel de guerre “présumé”

Le comportement de Ratko Mladic lundi au tribunal de La Haye a été à l’image de sa vie de criminel de guerre présumé : arrogant, méprisant, insultant. Pardon, vous avez dit : criminel présumé ? Et oui, la présomption d’innocence est souveraine, même si les victimes des milices commandées par Mladic ne bénéficient pas de ce terme de présomption: elles sont mortes, assassinées.

Il y a des moments où l’on aurait envie que la justice soit rapide sans être expéditive, qu’elle soit rigoureuse sans être procédurière. Justice delayed is justice denied, disent les Anglo-saxons, la justice qui traine est un déni de justice. On aimerait tout simplement que Ratko Mladic soit prestement condamné, sur base des documents accablants des organisations de défense des droits de l’Homme qui décrivent les barbaries qu’il a dirigées lors des guerres des Balkans, du siège de Sarajevo au génocide de Srebrenica.

A Belgrade et à Pale, ses partisans ont dû se réjouir de ce cinéma “mussolinien” que leur a offert leur héros. D’autres ont sans doute éteint la télé, car le problème est bien là : même si la figure de Mladic n’inspire plus la même adhésion que durant les guerres balkaniques, une partie significative des Serbes n’ont pas encore entamé un réel processus de réflexion et d’introspection sur la responsabilité de leur ultranationalisme dans le déclenchement d’abominations que, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, on croyait bannies à jamais du territoire européen.

La clé de l’adhésion européenne à laquelle la Serbie aspire devrait pourtant dépendre d’autres choses que de l’arrestation de criminels de guerre jusque-là protégés. On a un peu trop l’impression, en effet, que Mladic n’a été livré que pour déblayer la voie de l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne, comme celle du général Arte Gotovina l’avait été pour la Croatie.

L’Europe, qui, ces dernières années, a tellement dilué ses valeurs et ses principes, devrait pourtant exiger que la vocation européenne de ces pays soit décidée non pas par l’opportunisme financier mais par les valeurs éthiques de ces Serbes et de ces Croates décents et dissidents, malheureusement minoritaires, qui, durant les boucheries des années 1990, osèrent condamner les identités meurtrières et qui, aujourd’hui, aimeraient que leurs sociétés réfléchissent avec honnêteté à leurs responsabilités dans les haines et les violences ethniques qui déchirèrent la Yougoslavie et qui démontrèrent, en même temps, l’impuissance volontaire d’une Union européenne tétanisée.

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12 réponses à Mladic: les pitreries indécentes d’un criminel de guerre “présumé”

  1. Penoy Jean-Yves dit :

    “Car le problème est bien là : une partie significative, voire majoritaire, des Serbes …” Ayant vécu en Serbie durant 2 ans (2004-2005) et étant toujours en contact avec de nombreux Serbes, je ne pense pas que la “Majorité” des Serbes soutiennent encore la politique de Mladic. L’ancienne génération, ayant grandi sous Tito et toujours rêvé de la grande Serbie, reste bien évidemment acquise à sa cause mais la majorité des moins de 40 ans ont tourné la page de leur passé (souvent avec une certaine gène) et se réjouissent de cette arrestation. Je pense qu’à l’heure actuelle, il ne doit pas y avoir plus de 10 à 15 % (si pas moins) des Serbes qui soutiennent toujours Mladic.
    Les pitreries de Sheshel au TPIY en 2003 avaient déjà obtenues un effet médiatique similaire, malheureusement probablement sciemment calculé par son auteur, mais l’opinion Serbe était déjà à l’époque très divisée sur son comportement.

    • jean-paulmarthoz dit :

      merci de cette réaction, j’en tiens compte pour clarifier mon point de vue. Ma remarque ne porte pas en effet sur la popularité de Mladic mais sur la difficulté de réfléchir au passé et aux responsabilités. Bonne journée

  2. Wuillot Emile dit :

    Monsieur Marthoz,
    à travers votre article “les pitreries indécentes d’un criminel de guerre” je suis en accord parfait avec votre analyse. Est-il imaginable qu’ à notre époque et si près de nous géographiquement (et même si c’était loin de nous) que l’on puisse massacrer des êtres humains sur des considérations ethniques, raciales ou …
    Je suis persuadé que seuls, les humains, sont capables de telles barbaries gratuites. Il suffit d’observer notre monde depuis, seulement, la seconde guerre mondiale!
    En conclusion, je dirai que plus je vois les hommes, plus j’aime mon chien …

  3. Die Mensch-Maschine dit :

    Sans discuter le fond, je me permets de faire remarquer que parler de « criminel présumé » est de la présomption de culpabilité, pas d’innocence. Il faudrait parler d’accusé. Ou de monstre.

  4. An Observer dit :

    J’entends là une voix de raison qui met les enjeux à leur place. L’Union Européenne se trouve actuellement au bord du précipice (comme la Belgique, d’ailleurs). Fléchir face aux défis qui se posent, c’est consacrer la dissolution. Les ennemis d’une communauté de populations diverses, quelles que soient leurs origines, vivant en respect mutuel auront, s’ils réussissent, leur petit moment de gloire avant de se perdre dans la désintégration des nationalismes, des postures éthniques, des haines qui ne servent aucun maître que leur propre égoïsme déstructeur de tout. On est là, tous; on ne vivra ensemble que grâce à une volonté d’oublier les “haines meurtrières” inter-éthniques. La paix ne coûte qu’un refus de la guerre (réelle ou métonymique).

  5. Spacedog dit :

    Cet article est un peu impartial, il l’est même complètement. Encore un auteur qui se permet de jouer le juge avant que la justice ait rendu son jugement. Un bon article détaille les faits sans donner d’opinions. A quand de bons journalistes ?

    • jean-paulmarthoz dit :

      Bonjour, le journaliste doit être impartial dans la description des faits mais il ne doit pas être impartial face à l’attitude des personnes impliquées dans ces faits si ceux-ci ont la dimension des crimes attribués à Mladic. Comme le disait Elie Wiesel, “le journaliste ne doit pas être inhumain sous prétexte d’être impartial”.

  6. Filo dit :

    Impartial veut dire : sans partialité, donc sans avis sur la question, le sens que vous donnez au mot, laisse penser sans doute que vous vouliez utiliser l’expression “cet article est partial”.
    Ceci dit, l’article est publié dans un blog, ou un journaliste décrit une situation, l’analyse et pose un avis, qu’est-ce qui vous choque? Ce n’est pas un journal, nous sommes bien dans le cas d’un blog. L’impartialité est le Saint-graal, tout écrit est par nature partial.
    A quand de bons commentaires?

    Avis personnel et partial : bon article, mais j’aime bien lire plus et plus en profondeur 🙂

  7. Filo dit :

    Impartial veut dire : sans partialité, donc sans avis sur la question, le sens que vous donnez au mot, laisse penser sans doute que vous vouliez utiliser l’expression “cet article est partial”.
    Ceci dit, l’article est publié dans un blog, ou un journaliste décrit une situation, l’analyse et pose un avis, qu’est-ce qui vous choque? Ce n’est pas un journal, nous sommes bien dans le cas d’un blog. L’impartialité est le Saint-graal, tout écrit est par nature partial.
    A quand de bons commentaires?

  8. Blue Moon dit :

    Bonjour.

    Avec tout le respect que je vous dois, il me paraît un peu simpliste de fustiger la barbarie des Serbes et leur manque de repentance. Je vous invite à consulter l’ouvrage suivant, disponible en ligne, écrit par des “occidentaux “:
    http://www.srebrenica-report.com/Srebrenica_Book.pdf
    pour relativiser la part des massacres dans la guerre des Balkans et prendre quelque distance quant au rôle diabolique prêté aux Serbes dans cette guerre civile, où exactions et atrocités se sont largement distribuées de part et d’autre des ethnies. Par ailleurs, je me méfie personnellement de cette bonne conscience à nous, gens de l’ouest, qui nous autorise à porter un jugement éthique et démocratique sur les autres nations et communautés. Lors des conflits, la barbarie revient vite, la repentance est rare, les crimes sont rarement avoués, de part et d’autres. L’histoire de la seconde guerre mondiale fourmille de ces exemples, et démontre notre propre fragilité en la matière.

    Bien à vous

  9. KatherineA dit :

    “L’Europe, qui, ces dernières années, a tellement dilué ses valeurs et ses principes, devrait pourtant exiger que la vocation européenne de ces pays soit décidée non pas par l’opportunisme financier mais par les valeurs éthiques de ces Serbes et de ces Croates décents et dissidents, malheureusement minoritaires, qui, durant les boucheries des années 1990, osèrent condamner les identités meurtrières et qui, aujourd’hui, aimeraient que leurs sociétés réfléchissent avec honnêteté à leurs responsabilités dans les haines et les violences ethniques qui déchirèrent la Yougoslavie et qui démontrèrent, en même temps, l’impuissance volontaire d’une Union européenne tétanisée.”

    Je ne comprends vraiment pas ce que vous essayez de dire. Qu’est-ce que cela signifie en pratique pour “l’Europe” – voulez-vous dire l’Union Europeenne au fait?

    • jean-paulmarthoz dit :

      Merci, pour votre réaction. Je parle de l’Union européenne en effet qui me semble tellement éloignée des principes qui avaient été animé sa création, en particulier la défense d’un modèle économique et social européen, qualifié parfois de “capitalisme rhénan”, qui tentait de concilier l’efficacité économique et l”équité sociale, et qui ne voyait pas dans l’adhésion des anciens pays de l’Est un projet surtout commercial mais une communauté de valeurs.
      Bonne journée

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