L’arrestation de Ratko Mladic a enlevé un nom de la liste des personnes les plus recherchées par la justice internationale. Une liste évidemment limitée tant il est vrai que le monde recèle des dizaines de milliers de personnes qui ont pris part, comme hauts responsables ou « simples » exécutants, à des crimes de guerre, à des crimes contre l’humanité ou à des génocides.
Samedi, le site américain The Daily Beast/Newsweek a établi sa liste des 7 criminels de guerre à envoyer en priorité devant un tribunal. Elle comprend Dokka Umarov, leader islamiste tchétchène qui a revendiqué l’attentat à l’aéroport de Moscou en janvier 2011, le président soudanais Omar al-Bachir, inculpé pour crimes de génocide par la Cour pénale internationale, Joseph Kony, le chef de l’armée de résistance du Seigneur (LRA) qui sème la terreur en Ouganda, Jean-Bosco Ntaganda, un des seigneurs de la guerre qui ravagent l’Est du Congo, Félicien Kabuga, le « financier » du génocide rwandais de 1994, et Gerhard Sommer, un officier SS allemand condamné en 2005 en Italie pour sa participation, en 1944, au massacre de plus de 500 civils dans un petit village toscan, mais laissé en liberté en Allemagne.
Partout, des associations de victimes, des ONG de droits humains, ont aussi leurs propres listes noires, car des criminels, des bourreaux et des massacreurs de masse ne sont pas inquiétés, comme si rien ne s’était passé.
La lutte contre l’impunité est parfois condamnée par ceux qui estiment qu’à partir d’un certain moment, il faut savoir oublier. Certains prônent l’amnistie, comme vient de le faire le Parlement de l’Uruguay, un pays qui, dans les années 1970, sous la botte d’un régime militaire oppressif, avait été qualifié par le sénateur démocrate américain Ted Kennedy de « chambre de torture des Amériques ».
La justice est pourtant essentielle à la reconstruction d’un véritable Etat de droit. C’est le chemin suivi par l’Argentine qui, sous la présidence de Nestor Kirchner en 2001, a rouvert les dossiers des crimes de la dictature militaire. Le 17 mai dernier, un tribunal du Nord du pays a encore condamné 8 anciens officiers de l’armée pour l’assassinat de civils non armés lors de la « sale guerre » des années 1970.
Les autorités civiles argentines actuelles, appuyées par les associations de défense des droits humains, estiment en effet que la justice constitue une arme de dissuasion contre ceux qui s’imagineraient aujourd’hui encore qu’ils peuvent réprimer, torturer, massacrer en toute impunité.
En cette année où l’on commémore le cinquantième anniversaire du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem, l’arrestation de Ratko Mladic prend une dimension particulière. Ce procès du logisticien de l’Holocauste, de longues années après celui de Nuremberg, avait ravivé l’idée d’une justice internationale permanente et universelle.
Comme vient de le rappeler Aryeh Neier, l’un des fondateurs de Human Rights Watch, il fallut attendre 1992, le début des massacres en ex-Yougoslavie, pour vraiment relancer l’idée d’une justice internationale. En août de cette année, il lança un appel en faveur de l’instauration d’un Tribunal pénal international afin de juger les crimes commis par les purificateurs ethniques des Balkans. Son appel coïncida avec la publication par Roy Gutman d’un reportage bouleversant sur les camps de la mort créés en Bosnie par les forces serbes. Moins d’un an plus tard, le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie voyait le jour.
Les procès de La Haye ont-ils vacciné cette région du monde contre la violence et la haine ? Les manifestations organisées ce dimanche à Belgrade par le Parti radical serbe et d’autres formations ultra-nationalistes montrent qu’ « il est toujours fécond le ventre d’où est sortie la bête immonde ».
Mais pour Aryeh Neier, l’arrestation de Mladic, qui s’ajoute à l’inculpation de 161 responsables Serbes, Croates et Bosniaques et à la condamnation de 78 d’entre eux, lance un message clair « aux tyrans, aux commandants militaires qui les servent et aux dirigeants des forces de guérilla qui cherchent à renverser des gouvernements: partout dans le monde, les principaux coupables d’atrocités ont une bonne chance de devoir un jour rendre des comptes».