La victoire de l’Azerbaïdjan à l’Eurovision va peut-être permettre de placer sous les projecteurs un pays dont on ne parle jamais. Un pays qui se distingue pourtant par la dureté de son régime et qui, ces derniers mois, a connu une contestation et une répression qui rappellent, dans une certaine mesure, les scénarios du « printemps arabe ».
Depuis des années, les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent les abus commis par le pouvoir. Mais sans susciter de réelle réaction sur la scène internationale : l’Azerbaïdjan est une puissance pétrolière située dans une région stratégique (la mer caspienne), ce qui lui offre une « licence de mauvaise conduite » et un garantie contre les protestations officielles de la communauté internationale.
Le pays a aussi le talent de «blanchir son image », en participant à des événements, comme l’Eurovision, ou à des organisations, comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE), qui sont assez peu regardantes à l’égard de la qualité démocratique de leurs membres.
Pour la plupart des organisations de défense des droits de l’homme, l’Azerbaïdjan est un pays placé sur la liste noire des pays autoritaires. Mais aussi pour le département d’Etat américain: dans son dernier rapport publié en avril dernier, le ministère américain des Affaires étrangères dénonce une cascade d’atteintes aux droits fondamentaux (torture, arrestations arbitraires, etc. ), les conditions déplorables qui ont régné lors des dernières élections législatives de novembre 2010 et la domination exercée par le parti officiel.
La presse, en particulier, est la cible du harcèlement du régime. Comme l’écrit le Comité de protection des journalistes (CPJ, New York) dans son dernier rapport annuel, « le gouvernement autoritaire du président Aliyev a recours aux emprisonnements et à une atmosphère d’impunité pour supprimer le journalisme indépendant ».
Un journaliste azéri, Eynulla Fatullayev, lauréat 2009 du Prix International de la Presse du CPJ, est incarcéré depuis avril 2007 sur base d’accusations fabriquées de toutes pièces. Et le régime a refusé de le libérer en dépit d’un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme, en avril 2010, qui demandait sa remise en liberté immédiate. Le pouvoir en place à Bakou a même passé outre à une réprimande, en décembre dernier, du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui se plaignait du non-respect du jugement de la Cour.
En mars 2011, ce même comité des ministres a réitéré sa demande et une vingtaine d’organisations de défense de la liberté d’expression et des droits de l’homme ont lancé un appel à la libération de Mr. Fatullayev. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’imposition de sanctions si le gouvernement Aliyev ne respecte pas le jugement de la Cour européenne. Lors d’une mission à Strasbourg, au début de cette année, nous avions pu sentir l’irritation croissante de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, en particulier de pays membres de l’Union européenne, à l’égard d’un pays “qui se croit tout permis”.
Début mai, Human Rights Watch a également dénoncé la condamnation à deux ans et demi de prison de Jabbar Savalanli, un activiste des réseaux sociaux pour « possession de drogues », une accusation à laquelle recourt fréquemment le pouvoir pour arrêter et discréditer ses opposants. « Il est choquant qu’un membre du Conseil de l’Europe puisse se permettre pareille répression », a déclaré Rachel Denber, de Human Rights Watch.
La victoire d’Eldar Gasimov et Nigar Jamal de Ell/Nikki à l’Eurovision 2011 pourrait être un cadeau empoisonné pour le régime. Surtout l’année prochaine, à l’approche du concours qui se déroulera à Bakou. Les organisations de défense des droits humains, associées au sein de l’International Partnership Group for Azerbaïdjan, ne laisseront certainement pas passer cette occasion de révéler la vraie nature du pouvoir.
En espérant peut-être que, d’ici là, le gouvernement azéri prendra des mesures d’ouverture et respectera les obligations qu’il a théoriquement contractées en devenant membre du Conseil de l’Europe, et en particulier les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme.
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