Tim Hetherington est mort au front, comme un héros du photojournalisme, dans la lignée de Robert Capa ou de Larry Burrows. Le 20 avril, il a été mortellement touché par une grenade de mortier à Misrata en Libye.
Il pourrait sembler indécent de ne parler que d’une seule victime, au milieu de cette guerre qui en a déjà fait des centaines, la plupart anonymes. Mais Tim exerçait son métier précisément pour que ces êtres humains, emportés par la guerre, ne soient pas oubliés.Tim n’était pas un cow-boy du journalisme ni un voyeur. Tout au long de sa carrière, il a fait preuve d’une extrême sensibilité à la douleur humaine. Il était animé par la volonté de témoigner, en espérant que ce témoignage permettrait de faire connaître et de faire changer les choses.
Ses photos ont été publiées dans les plus grands médias internationaux, mais Tim, comme le photographe belge Bruno Stevens, s’était également mis au service des organisations de défense des droits de l’homme, travaillant dans des pays ou des régions « inutiles », placés en dehors de l’actualité comme le Darfour (Soudan) ou le Tchad.
Il avait passé 8 ans au Liberia, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, dévasté par une guerre civile d’une brutalité sans nom. Il y avait trouvé l’inspiration d’un film remarquable (Liberia : An Uncivil War) et d’un livre (Long Story Bit by Bit : Liberia Retold) retraçant l’histoire du conflit à partir des témoignages de Libériens piégés dans le chaos et la violence.
Dans un hommage, Kenneth Roth, le directeur de Human Rights Watch, a rappelé que Tim avait été l’un des premiers photographes à être engagés par l’organisation. « C’est pour nous un perte personnelle, a-t-il déclaré. Mais c’est une perte aussi pour le mouvement des droits humains. Son travail avait donné une visibilité à de nombreux conflits oubliés. Il avait un talent extraordinaire pour révéler, dans des images d’une grande beauté et d’une grande compassion, les histoires humaines qui se cachent derrière les titres de une ».
Un autre journaliste, Chris Hondros, est mort également hier à Misrata. Lui aussi avait couvert de nombreux conflits et avait reçu de nombreux prix, dont la prestigieuse Robert Capa Gold Medal de l’Overseas Press Club. Deux autres reporters, Michael Brown, de l’agence Corbis et Guy Martin, de Panos, ont également été blessés. Comme Tim et Chris, ils étaient en première ligne.
Mais fallait-il être en première ligne? “Aucune information ne mérite que l’on meure pour elle”, clament les organisations de journalistes. Mais pour ces reporters, toujours au bord de la ligne rouge, cette équation s’exprime d’une autre manière: “il y a des informations pour lesquelles il faut être prêt à prendre des risques”. Non pas pour avancer sur les sentiers de la gloire mais pour informer le mieux possible, c’est-à-dire pour les photographes qui eux ne peuvent pas frimer, “le plus près possible” des faits et des événements.
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