Katyn, un film magistral de Wajda sur l’éliticide

Extraordinaire soirée Wajda sur Arte jeudi soir. Magistral, le film Katyn rappelle avec force et dignité l’assassinat de milliers d’officiers de l’armée polonaises par le NKVD, la police politique soviétique, au printemps 1940 près de Smolensk.

Pendant des décennies, les Soviétiques prétendirent que ces massacres avaient été perpétrés par les nazis, alors que l’ordre avait été directement donné par Staline. Les alliés de l’URSS durant la guerre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, connaissaient la vérité mais ils choisirent eux aussi, pendant un certain temps, de se taire.

Longtemps, une grande partie de la gauche refusa d’admettre que Staline, « le petit père des peuples », avait pu commettre pareille barbarie. Ceux qui soutenaient cette thèse étaient inévitablement accusés de révisionnisme et de pro-nazisme.

Le film est une dénonciation radicale de tous les totalitarismes. S’il décrit surtout la brutalité des tueurs soviétiques, il évoque aussi la barbarie nazie au cours de ce Pacte germano-soviétique qui unit, un temps, les deux machines de mort aux dépens de la Pologne dépecée et martyrisée.

Il rappelle aussi la force du mensonge lorsque celui-ci est souhaité par ceux-là à qui il s’adresse. Pour garder la foi ou quand on a choisi son camp, il faut souvent refuser de voir et d’entendre.

Il y eut un Nuremberg pour les crimes d’Hitler. Aujourd’hui encore, comme je le rappelais dans un précédent blog, des justiciers du Centre Simon Wiesenthal continuent à traquer les derniers criminels de guerre nazis.

L’URSS stalinienne, par contre, a échappé à tout jugement. Même si Gorbatchev reconnut en 1990 la responsabilité de l’Etat soviétique dans ce crime, l’aveu n’entraîna aucune sanction, alors que, peut-être, il eut encore été possible d’identifier et de juger des personnes qui prirent part à ce massacre. Aucune déchéance ne fut décrétée à l’encontre de ceux qui pensèrent et exécutèrent cet « éliticide », l’assassinat systématiques de plusieurs dizaines de milliers de membres de l’élite polonaise.

On ne sort pas indemne de ce film. Tant mieux. Comme le disait André Gide, dans son livre Retour d’URSS, une dénonciation courageuse du stalinisme publiée en 1936 et qu’une grande partie de la gauche officielle qualifia de scandaleuse ou, plus hypocritement, de « prématurée », « le mensonge, fût-ce celui du silence, peut paraître opportun et opportune la persévérance dans le mensonge, mais il fait à l’ennemi trop beau jeu, et la vérité, fut-elle douloureuse ne peut blesser que pour guérir”.

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