Brûler le Coran? Un acte protégé par la Constitution américaine

L’attaque perpétrée par des militants extrémistes afghans contre une base de l’ONU à Mazar e Sharif, provoquant la mort de 14 personnes dont 7 fonctionnaires de l’organisation, a relancé une nouvelle fois la polémique sur le fameux Premier amendement de la constitution américaine.

En prenant pour cible une institution internationale, les agresseurs prétendaient exprimer leur colère à l’encontre de deux pasteurs américains qui, quelques jours plus tôt, dans une petite ville de Floride, avaient brûlé un exemplaire du Coran.

La plupart des responsables internationaux ont dénoncé ces fous de Dieu et ces boutefeux, aussi bien islamistes qu’évangéliques. Cependant, un certain nombre d’entre eux se sont aussi demandés pourquoi les Etats-Unis n’avaient pas interdit la mise en scène islamophobe orchestrée par les pasteurs de l’église du Dove World Outreach Center.

Staffan de Mistura, le chef de l’Unama (Mission des Nations unies en Afghanistan) a clairement accusé les « religieux » américains d’être les premiers responsables des violences meurtrières qui ont frappé son personnel en Afghanistan.

Toutefois, bien que le président Barack Obama ait qualifié le geste des pasteurs  d’ « acte d’intolérance et de bigoterie extrêmes », il ne pouvait guère s’y opposer.

Le Premier amendement de la Constitution consacre, en effet, une liberté d’expression presque absolue. Il interdit de restreindre l’expression des idées « sur base de leur contenu »,  même si le public les considère « offensantes ».

Il protège en particulier le discours de haine, à la seule condition que celui-ci ne constitue pas « une menace directe et immédiate » contre des individus et des groupes.

« Ce droit, comme l’écrit Katie Connolly de la BBC, est considéré comme une question d’identité nationale ». Il fait partie de l’ADN américain, même au sein de nombreuses associations de lutte contre le racisme.

Il créé aussi très régulièrement des tensions et des incompréhensions entre les deux rives de l’Atlantique. Alors que l’Europe a choisi de limiter la liberté d’expression pour protéger d’autres droits, au nom particulièrement de l’antiracisme, de la non-discrimination ou de l’intérêt public, les Etats-Unis ont fait du Free Speech un droit supérieur à d’autres, le socle de toutes les libertés.

Cette liberté d’expression ne s’applique pas seulement aux mots, comme la négation de l’Holocauste, qui est légale aux Etats-Unis et interdite en Europe, mais aussi à des actes « non-verbaux », comme brûler le drapeau national ou des croix catholiques (une pratique du Ku Klux Klan).

Seule restriction : le Premier amendement ne s’applique pas si les menaces proférées peuvent directement déboucher sur la violence ou des actes illégaux. Mais, insistent les constitutionnalistes, ces menaces doivent représenter un « risque imminent de provoquer des dommages immédiats ». Il est interdit, selon la célèbre formule, de “crier ‘au feu’ dans une salle de théâtre“, car l’urgence ne permet de contester le cri et de « lutter contre les mots avec des mots » .

Un membre du Ku Klux Klan peut, par exemple, brûler une croix sur sa pelouse, ce qui est pourtant un symbole brutal de l’incitation à la violence raciale héritée de l’époque de l’esclavagisme et de la ségrégation, mais il ne peut le faire sur celle de son voisin africain-américain, car la justice considérerait que cette action pourrait constituer une incitation à la violence contre une personne en particulier.

Comme l’écrit Katie Connolly, les pasteurs de Floride, aux termes du Premier amendement, ont le droit de brûler un exemplaire du Coran sur leur propriété, mais s’ils l’avaient fait en face d’une mosquée, ils auraient pu être arrêtés ou poursuivis pour « rupture de la paix publique ».

Apparemment, une seule restriction aurait pu être imposée à ces boutefeux évangéliques : le refus de leur accorder le permis qui est requis par l’Etat de Floride pour allumer un feu à l’extérieur d’une maison…

Cet acte perpétré en Floride et les attaques en Afghanistan contre des personnes qui n’avaient rien à voir avec les pasteurs étatsuniens démontrent brutalement le clash des législations dans un monde globalisé et incandescent.

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