La liberté de la presse est l’un des baromètres les plus fiables de l’état de la démocratie. Le niveau de la censure et de la répression dénote l’état de nervosité et d’insécurité des pouvoirs qui s’y adonnent.
Ainsi, le spectre d’une contagion des révolutions arabes a crispé la plupart des régimes autoritaires. De Pékin à Harare, de Bakou à Malabo, les gouvernements autoritaires traquent le moindre indice de fièvre et appliquent des remèdes de cheval à tous ceux qui pourraient être gagnés par le virus de la révolte.
En Chine, les plus grands moteurs de recherche – sina.com, Netease.com, Weibo – bloquent des mots clés comme Egypte. La presse officielle éditorialise sur les risques de chaos dans les pays arabes gagnés par la révolution. La police menace de révoquer les accréditations des journalistes étrangers qui couvriraient sans autorisation des rassemblements “illégaux”. A plusieurs reprises, en effet, des appels ont circulé sur Internet annonçant des protestations inspirées de la « Révolution du Jasmin » ou du mouvement de la place Tahrir. Même si ces événements ont attiré peu de monde, les journalistes et la police étaient au rendez-vous.
En Afrique aussi, les gouvernements autoritaires et plus particulièrement encore les gérontocraties ont établi un sévère cordon sanitaire. Le Zimbabwe du président Mugabe a inculpé de trahison 45 personnes qui avaient regardé un DVD sur les événements en Egypte et en Tunisie lors d’une conférence intitulée : « Quelles leçons pour le Zimbabwe et l’Afrique ?». Un utilisateur de Facebook a également été arrêté après avoir publié une déclaration du premier ministre Morgan Tsvangirai (adversaire du président Mugabe) sur l’Egypte.
En Guinée équatoriale, un pays dirigé de main de fer depuis 1979 par Teodoro Obiang, les médias d’Etat pratiquent un blackout radical sur l’actualité des protestations en Afrique du Nord. Un journaliste de la radio officielle a été immédiatement suspendu après avoir mentionné la Libye.
Dans la plupart des pays du continent, au Gabon, à Djibouti, en Ethiopie, la couverture des événements nord-africains par la presse d’Etat a été minimaliste. En Erythrée, quand un internaute tape le mot Egypte dans un moteur de recherche, note le Committee to Protect Journalists, aucun résultat n’apparaît sur les révoltes. La principale information porte sur une réunion entre le président Isaias Afewerki et Hosni Moubarak au Caire en décembre 2010.
A Bakou, en Azerbaïdjan, le gouvernement a également mobilisé ses forces de sécurité pour empêcher toute effervescence. Il a notamment interdit les rassemblements sur une place où se dresse bien inopportunément une statue d’Hosni Moubarak.
Ces efforts sont-ils efficaces ? En partie seulement, selon le CPJ, dans de nombreux pays, malgré la censure et les intimidations, l’information parvient toutefois à pénétrer, notamment grâce à la télévision par satellite, même dans les régions rurales. Rien n’arrête le parfum du jasmin…