Alors que l’attention internationale se portait surtout sur la génération Facebook ou les Frères musulmans, les syndicats égyptiens ont décidé de se faire entendre. Les grèves et actions se multiplient dans tout le pays, à l’initiative de syndicalistes hostiles à la Fédération égyptienne des syndicats, la centrale officielle (dont le sigle en anglais ETUF est porteur de lourds présages…).
Cette « intrusion » des syndicats n’est pas un ralliement tardif à la Révolution du Nil. Au cours des dernières années, les mouvements sociaux et les grèves se sont multipliés dans de nombreux secteurs industriels du pays (le transport, l’industrie textile, l’alimentation, etc.). Ils protestaient contre les conditions sociales, les inégalités mais aussi la répression antisyndicale.
Ces syndicats crées en dehors du système Moubarak ont bénéficié de l’appui d’ONG spécialisées dans la formation d’activistes, à l’exemple du Centre for Trade Union and Worker Services. Certains d’entre eux ont également été soutenus par des syndicats internationaux, en particulier le Solidarity Center, le «bureau international » de la centrale syndicale américaine AFL-CIO, et la Confédération syndicale internationale (Bruxelles), qui ont notamment fait pression sur le gouvernement égyptien pour que cesse la répression.
La montée en puissance du monde syndical n’est pas en soi un gage absolu contre le risque d’un surgissement des Frères musulmans, nous confiait une spécialiste du syndicalisme arabe, l’islamisme ayant en effet poursuivi une politique d’entrisme au sein des organisations ouvrières ou professionnelles. Mais elle relègue au second plan le facteur religieux pour mettre en avant des revendications sociales.
« La démocratisation de l’Egypte et de la Tunisie, notaient Eric Lee et Benjamin Weinthal dans le quotidien de centre-gauche britannique The Guardian, dépend de deux conditions préalables : d’abord faire en sorte que les syndicats soient indépendants du contrôle de l’Etat. Ensuite, pour éviter le modèle iranien, s’assurer que les islamistes ne détournent pas à leur profit les syndicats libres ».
Cette mobilisation rappelle que les syndicats ont souvent joué un rôle de premier plan dans le mouvement démocratique. Certes, il n’est pas évident de comparer la situation égyptienne (ou tunisienne) à la Pologne ou au Brésil des années 1980. Mais on ne peut s’empêcher de penser à Lech Walesa et au syndicat Solidarité en Pologne ou encore à Luis Inacio Lula da Silva, chef de file des métallos de Sao Paulo sous le régime militaire brésilien. Ils n’étaient alors “que” des opposants, ils devinrent tous deux présidents de leur pays. A suivre de près…
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