Samedi dernier à Gembloux, lors d’une réunion d’Amnesty International au cours de laquelle nous avons présenté avec Anne-Marie Impe une étude sur les « droits humains au cœur de la cité », j’avais choisi de terminer mon discours par un hommage aux citoyens et aux militants souvent anonymes, dont l’action apparemment insignifiante change le cours de l’histoire.
En 1954, Rosa Parks, une couturière noire de Montgomery, une ville de l’Etat d’Alabama, dans le Sud des Etats-Unis, était montée dans un bus municipal, qui pratiquait la ségrégation raciale. Lorsque le contrôleur lui ordonna de céder sa place à un passager blanc, elle refusa.
Ce geste fut le point de départ de l’un des mouvements les plus importants de l’histoire américaine, le mouvement pour les droits civiques. Mené par le pasteur Martin Luther King, appuyé par des milliers de jeunes étudiants du Nord risquant leur vie dans les villes racistes du Sud pour enregistrer les Noirs sur les listes électorales, relayé par des journalistes et des politiciens « libéraux », il déboucha sur le vote en 1964 du Civil Rights Act qui octroya l’égalité politique et civile aux Africains-Américains.
Dans le contexte des révoltes démocratiques qui balaient le monde arabe, ce petit acte de rébellion de 1954 est d’une incroyable actualité. C’est le facteur « grain de sable », la « goutte qui fait déborder le vase », « l’effet papillon », qui, brusquement, déclenchent une série d’événements en cascade et provoquent des bouleversements historiques.
A l’exemple de l’immolation tragique, à la mi-décembre, de Mohamed Bouazizi, ce jeune Tunisien, naufragé dans des petits boulots sans avenir, harcelé et poussé à bout par les services de sécurité de Ben Ali. A la consternation des services de sécurité qui n’avaient rien vu venir, à la surprise des chancelleries européennes qui ne voulaient rien savoir, cet acte désespéré d’un improbable vendeur ambulant, fut le déclencheur de la Révolution du jasmin qui, en l’espace de quelques semaines, balaya le régime.
Pour ceux qui restent sceptiques face à cette capacité individuelle ou citoyenne de changer les choses, c’est le moment de lire « Petits actes de rébellion. Ces instants de bravoure qui ont changé le monde » (Editions Amnesty International/Balland, Paris, 2011, 316 pages).
Ce livre, rédigé par Steve Crawshaw, directeur du plaidoyer au secrétariat international d’Amnesty à Londres et John Jackson, vice-président de MTV, a collecté des dizaines d’exemples de gestes, d’actions, de mobilisations pacifiques qui ont fait avancer des droits, abattu des dictatures, sauvé des vies.
Préfacé par l’ancien dissident tchécoslovaque et ex-président tchèque, Vaclav Havel, cet ouvrage nous emmène dans un tour du monde de la dignité humaine, où les hommes et les femmes refusent d’être des victimes et deviennent des acteurs de leur propre destin et de leur propre société.
Fidèles à la « marque Amnesty » – l’impartialité de l’organisation face à toutes les dictatures, qu’elles soient de gauche et de droite -, les deux auteurs rappellent évidemment le « petit geste » de Rosa Parks, mais aussi les mobilisations des Polonais qui, sous la dictature du général Jaruzelski, promenèrent leurs téléviseurs sur une brouette ou les placèrent à la fenêtre face à la rue pour dénoncer la censure.
Ils nous emmènent au Brésil où le cardinal Arns, en 1979, organisa secrètement la copie des dossiers documentant les actes de torture perpétrés par le régime militaire et coordonna la publication en 1985 d’un livre qui secoua le pays, Brésil : plus jamais ça. Ou encore en Birmanie, où, en 2007, des opposants à la junte militaire accrochèrent la photo du général Than Shwe au cou de chiens errants.
Il y a dans ce livre tonique un air de « yes, we can », confirmé par l’histoire. Le nom de Martin Luther King est officiellement célébré chaque année aux Etats-Unis, le général Jaruzelski a été déboulonné, Dilma Rousseff, militante torturée par les militaires, est depuis le 1er janvier présidente du Brésil.
« L’ouvrage exaspérera plus d’un « réaliste », notait le journal Le Monde. Qui s’empressait d’ajouter : « C’est certainement l’un de ses objectifs ».
Merci de nous rappeler que les petits aussi peuvent faire bouger les choses, et que beacoup de grands ont commencé petits. Où peut-on se procurer ce livre?
Bonjour Patricar
Ce livre devrait être “dans les bonnes librairies”. Steve Crawshaw, l’un des auteurs, vient de le présenter à Paris le 3 février. Bien à vous